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La controverse de la 5G

Comprendre, réfléchir et décider ensemble au déploiement de la nouvelle génération mobile.

Ce rapport étudie comment le déploiement de la 5G en France en 2020 cristallise une série de contestations, de prises de positions, de discours autour de grands enjeux de société. Ce travail prend le parti d’une vision transversale entre les enjeux économiques, énergétique et environnementaux, fonciers, sanitaires, des usages et géopolitiques.

Graffiti anti-5G à Concarneau

Contexte

L’Union Internationale des Télécommunications a désigné la 5G comme la prochaine génération de réseaux mobiles. Ce nouveau réseau viendra s’empiler sur les générations précédentes de la 3G et 4G. Afin d’augmenter la vitesse de transfert des données numériques (octets) ce réseau utilisera à terme les ondes millimétriques, c’est-à-dire que leur longueur d’onde va de 1cm à 1 mm. En France l’ARCEP, le régulateur national des réseaux télécom, a débloqué une bande allant de 3,4 à 3,8 GHz ainsi que la bande à 26 GHz pour l’usage de la 5G. Dans un scénario optimal, l’usage de ces nouvelles bandes permettra un débit multiplié par 10 et un délai de transmission divisé par 101.

Le débit, la fiabilité ainsi que la vitesse de l’infrastructure 5G représentent un socle pour l’implémentation des prochaines technologies et infrastructures connectées2 : voitures autonomes, Internet des objets (IoT), streaming vidéo en réalité virtuelle ou augmentée, jeu vidéo en streaming (Google Stadia par exemple). C’est pour cela que la 5G a été nommée “technologie clé” par la plupart des industriels et des gouvernements dont le gouvernement français, elle représente un point de bascule qui nous fait ajouter un nouveau système numérique à des systèmes plus “anciens”3. Déployer massivement la 5G revient a priori à signer, ou en tout cas à mettre une caution, pour l’ensemble des technologies qu’elle tire dans sa traîne. Cela ne veut toutefois pas dire que des voitures autonomes seront massivement déployées dès que le réseau 5G sera opérationnel car ces technologies comportent aussi leur lot d’incertitudes et de limites. Mais le déploiement massif de ce réseau est présenté par les acteurs industriels et financiers comme la condition sine qua non pour le déploiement massif de toutes les autres technologies.

Le déploiement de quelques antennes sur certains territoires pour un usage précis ne se révèle pas problématique, c’est par contre la massification d’une infrastructure à l’échelle nationale et internationale qui est le centre de la question. Décider du déploiement massif d’une technologie clé résulte d’un choix technologique qui devrait être un choix de société. En cela la consultation citoyenne et la décision collective devraient être primordiales car ce choix socio-technologique risque de nous enfermer collectivement dans un chemin donné (smart city, voitures autonomes, etc) et réduit de fait nos capacités à nous diriger vers d’autres voies plus souhaitables et soutenables.

Il est donc logique que des débats et des résistances se cristallisent autour de cette nouvelle infrastructure car elle est clé pour un futur formulé par quelques-uns mais pas forcément souhaité par tous4. D’autres facteurs favorisent potentiellement l’émergence de résistances et de questions légitimes par rapport à la 5G : crise environnementale planétaire, contexte géopolitique explosif, crises sanitaires, méfiance vis-à-vis des géants d’Internet, surveillance des citoyens accrue et complotisme. Le but de ce rapport est de présenter une grande partie des controverses identifiées sur la 5G afin d’offrir un panorama suffisamment clair pour informer un choix. Il est important de préciser que je ne prétends pas à une posture neutre ou “objective” en faisant cet exercice. L’écriture de ce rapport a imprégné mon propre choix et influence de fait mon analyse des coûts et des bénéfices sur la question de la 5G. Tous les acteurs engagés sur le sujet disposent et déploient un programme avec des intérêts économiques, sociaux et politiques forts et aucun ne pour- rait donc disposer d’une posture neutre. La question est plutôt d’identifier les conséquences des programmes proposés par ceux qui sont en situation de pouvoir (groupes industriels et financiers, gouvernements,…) et les causes de la résistance face aux discours déployés.


  1. ARCEP, “Grands dossier : la 5G,” 8 janvier 2020, consulté le 20 mars 2020. 

  2. Attila Hilt, “Availability and Fade Margin Calculations for 5G Microwave and Millimeter-Wave Anyhaul Links,” Appl. Sci., vol. 9, no. 23, 2019. 

  3. Non pas que l’ancien soit remplacé, il s’agira d’un empilement technologique comme c’est souvent le cas dans l’histoire des techniques. 

  4. Alors que les industriels concernés (Nokia, Cisco, Huawei, etc) voient un relais de croissance économique et que les acteurs économiques et financiers voient des nouveaux marchés et de nouvelles possibilités d’investissements rentables, quel sera le prix à payer par les écosystèmes déjà fragiles et sur- exploités, quelles seront les nouvelles formes d’exploitation de travailleurs précaires ?