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Les effets environnementaux indirects de la numérisation

Relecture et suggestions : Jacques Combaz et David Ekchajzer

  • Gauthier Roussilhe

Si les connaissances sur l’empreinte environnementale du secteur numérique avancent, la compréhension des effets indirects de la numérisation est encore balbutiante. De fait, il y a encore beaucoup de malentendus et d’incompréhension sur ce qui est désigné comme effets indirects. À partir de la littérature scientifique pertinente sur le sujet, cet article propose une revue de ces effets et leurs estimations, ainsi qu’un exemple pour comprendre les difficultés et les défis liés à ce genre d’exercice.

Les effets indirects

On distingue généralement deux types d’effet, les effets directs, c’est-à-dire, l’empreinte environnementale liée à l’extraction de ressources, la fabrication, le transport, l’usage et la fin de vie d’un service numérique et des équipements qui y sont liés ; et les effets indirects, c’est-à-dire, les effets que produit l’usage d’un service numérique. Les effets directs correspondent donc à l’empreinte environnementale, souvent modélisés via une analyse de cycle de vie – déjà expliqués dans des articles précédents, et les effets indirects désignent une grande variété d’effets qui peuvent être positifs et/ou négatifs d’un point de vue environnemental.

Dans la littérature scientifique ou normative sur le sujet, les effets indirects sont généralement définis comme the impact and opportunities created by the use and application of ICTs. This includes environmental load reduction effects which can be either actual or potential,1 ou encore comme […] the environmental consequences of an ICT solution’s capacity to change existing consumption and production patterns, taking into account the interrelated socio-economic, cultural, and human-health impacts, both beneficial and adverse.2 Il faut noter que la terminologie et le vocabulaire désignant les effets indirects varient d’une publication à l’autre et ne semblent pas être fixés dans la communauté scientifique. Les effets directs sont parfois nommés effets de premier ordre et les effets indirects peuvent appelés effets de deuxième et de troisième ordre. Le tableau ci-dessous essaye de résumer les différentes terminologies et leur explication. Le reste de l’article se référera à la terminologie utilisée dans ce dernier.

Sources: adapted from Horner (2016) Known unknowns: indirect energy effects of information and communication technology; Bieser & Hilty (2018) Assessing Indirect Environmental Effects of Information and Communication Technology (ICT): A Systematic Literature Review; Coroama et al. (2020) A Methodology for Assessing the Environmental Effects Induced by ICT Services – Part I: Single Services
Scope Effect Example (from Horner) Related methods
Direct / First order Embodied footprint Energy, materials and resources to produce a GPS system Life cycle assessment
Operational footprint Energy, materials and resources to operate a GPS system
Disposal footprint Energy, materials and resources to dispose of a GPS system at end-of-life
Borderline case Induction Equipement induced by the use of GPS system (satellites, etc.) – can be also considered as direct effects or rebound effect Mixed
Indirect / Second order Efficiency / Optimization More efficient traffic flow due to GPS-enhanced routing Enablement / Avoided emissions framework
Substitution Replacement of paper-based maps
Direct rebound More travel due to lower cost of traffic congestion Rebound Effect
Indirect / Third order Indirect rebound Footprint consumed during time saved by efficient travel
Economy-wide rebound (Structural change) GPS enables autonomous vehicles and causes growth of intelligent transportation system manufacturing
Systemic Transformation Autonomous vehicles alter patterns in where people choose to live and work

L’efficacité

L’efficacité, généralement associée à l’optimisation, est un effet indirect très souvent mis en avant. Numériser un processus peut le rendre plus efficace grâce à une meilleure allocation de ressources ou une rationalisation supplémentaire du processus en question. Par exemple, déployer des compteurs intelligents peut permettre de modifier les comportements d’un foyer vis-à-vis de sa consommation d’électricité grâce à la remontée de données et d’optimiser la gestion de l’électricité côté fournisseur. Donc, même si les processus d’optimisation visent principalement des systèmes techniques, cela peut aussi inclure la facilitation de comportements plus “efficaces” (ou potentiellement de comportements plus “sobres”), comme des trajets en voiture plus optimisés grâce à des application de navigation (Waze, OpenStreetMap, Google Maps, etc.). Ainsi, l’efficacité / optimisation est un effet indirect généralement positif.

Crédits : xkcd

La substitution

Ensuite, la substitution est aussi un effet indirect bien connu. L’effet de substitution désigne le remplacement d’un produit ou service existant par un nouveau produit ou service ayant une empreinte environnementale moindre (moins d’effets directs) et/ou étant plus efficace (moins de ressources en entrée / plus de production en sortie / etc.). Par exemple, le début de l’électronique grand public est connu pour son lot d’équipements lourds et peu efficaces énergétiquement (écrans cathodiques, walkman, magnétoscope, etc.). La numérisation a largement réduit la taille de ces équipements puis en a fait disparaître une bonne partie grâce à des équipements multi-fonctionnels plus petits et plus efficaces. Un smartphone se substitue à un réveil, un lecteur média portatif, au lecteur mp3, etc. Là encore, la substitution est généralement un effet indirect positif mais dans certains cas, l’effet peut être négatif.

Un exemple des nombreuses substitutions permises par l’arrivée du smartphone

L’image ci-dessus décrit certains aspects de cette substitution mais elle doit aussi être analysée un peu plus en profondeur. Premièrement, peu de personnes sur Terre possédaient autant d’équipements dans les années 90, même dans les pays développés. Deuxièmement, tous les appareils présentés sur cette image correspondent à une période de commercialisation d’à peu près vingt ans donc la plupart n’ont pas existé simultanément. Troisièmement, la production de nouveaux appareils numériques ne s’est pas arrêté après le smartphone, des nouveaux appareils numériques apparaissent d’année en année et de nombreux objets de la vie quotidienne se voient a minima rajouter une couche électronique, et, au mieux, une couche numérique (brosses à dents, frigo, voitures connectées, etc.). Il est donc difficile d’établir un bilan net entre substitution, accumulation et extension, mais nous reviendrons plus bas sur cette question.

L’induction

L’effet d’induction est une catégorie flottante, parfois rangée du côté des effets rebond, parfois vu comme un effet à part entière. Ce dernier suppose que l’usage d’un nouveau service ou produit induit l’usage de nouvelles ressources qui n’étaient pas mobilisées auparavant. Lorenz Hilty explique que l’achat d’une imprimante induit une consommation de papier supplémentaire. Toutefois, il ne le catégorise pas comme effet rebond car l’achat d’une imprimante n’est pas motivé par l’envie d’économiser du papier mais bien par le souhait d’imprimer sur du papier, c’est donc l’effet souhaité. Hilty complète ainsi3 :

The Internet has induction effects as regards personal and freight transport. The possibility of communicating with remote locations and persons creates the need and the organizational means of undertaking trips and entering into trade relations which causes freight traffic.

En somme, un effet d’induction apparaît quand l’usage d’un service (numérique ou non) stimule l’usage d’autres produits ou services, comme l’achat d’une imprimante stimule la consommation de papier et d’encre. La frontière est fine entre l’effet d’induction et l’effet rebond, Lorenz Hilty et Bernard Aebischer proposent la distinction suivante :

Why is an induction effect not considered a rebound effect? The difference is one of perspective: An induction effect is the increase in the consumption of a specific resource as a consequence of applying ICT, viewed at the micro level. The rebound effect is the aggregated result of many processes interacting in a way that leads to increased consumption, viewed at the macro level. The same question could be asked with regard to substitution (or optimization) and sustainable production and consumption patterns.

À défaut de catégoriser l’induction, certains auteurs vont l’inclure dans l’analyse de cycle de vie des effets directs, d’autres dans les effets rebonds. D’une étude à l’autre, il faut donc être vigilant à la répartition des effets lorsqu’on aborde l’induction.

Les effets rebond

L’existence de l’effet rebond est aujourd’hui démontrée à la fois en économie et en sciences sociales, mais sa modélisation mathématique est toujours le sujet de vifs débats. Dans les débats récents sur l’empreinte environnementale de la numérisation le terme d’effets rebond est souvent brandi par les uns et réfuté par les autres, à tort ou à raison. Généralement, les uns comme les autres sont peu informés sur ce qu’on entend par ‘effets rebond’ et sur la façon dont on le mobilise dans le secteur numérique. Il est donc nécessaire de prendre plus de temps pour rappeler quelques éléments théoriques.

De façon simplifiée, l’effet rebond est un concept de théorie économique classique hérité de Williams Jevons. À la fin du XIXeme siècle, ce dernier observe qu’avec l’arrivée de la machine à vapeur de Watt, plus efficace que celle de Newcomen, la consommation de charbon, au lieu de baisser, augmente. Il met alors en évidence que les améliorations techniques rendant l’usage d’une ressource plus efficace tend à augmenter sa consommation et non pas à la baisser. La ressource devient moins chère, elle est alors plus abordable et donc plus utilisée4. Ce concept est réactualisé dans les années 80 par les travaux de Khazzom et Brookes. Après les deux crises pétrolières, ces derniers observent que, dans la même économie nationale, même si le nombre de voitures plus efficaces augmente rapidement, la consommation globale d’énergie des voitures continue d’augmenter. Khazzoom estime que les gains d’efficacité énergétique par unité (à l’échelle micro) conduisent à une augmentation de la consommation d’énergie à l’échelle macroscopique.5 Ce principe a été corroboré par Harty Saunders en 1992 qui liste trois mécanismes où l’augmentation de l’efficacité énergétique (EE) augmente la consommation d’énergie totale6  :

  • l’augmentation de l’EE rend l’utilisation de l’énergie relativement moins chère, ce qui encourage l’utilisation accrue de celle-ci ;
  • l’amélioration de l’EE entraîne une augmentation de la croissance économique, ce qui entraîne une augmentation de la consommation d’énergie dans l’ensemble de l’économie ;
  • l’amélioration de l’efficacité de l’extraction ou de l’usage d’une ressource (actant comme goulot d’étranglement) multiplie l’utilisation de toutes les technologies, produits et services complémentaires qu’elle limitait.

Si l’effet rebond contre-balance une partie des gains d’efficacité, cela ne veut pas dire qu’il compense par défaut l’ensemble des gains. Par exemple, si mon gain d’efficacité énergétique est de 20 mais mon usage augmente de 10 (effet rebond direct) alors j’ai toujours un gain d’efficacité de 10. Par contre, si mon usage augmente de 30 alors la consommation totale d’énergie augmente de 10. Si l’augmentation de l’usage l’emporte sur les gains d’efficacité alors ce résultat est communément appelé un backfire. Le paradoxe de Jevons ou le postulat de Khazzoom-Brookes impliquent qu’il y est toujours un backfire, toutefois les travaux de recherche plus récents suggèrent qu’il n’existe pas de preuves qu’un effet rebond entraîne mécaniquement ce résultat. Steve Sorrell, un des chercheurs les plus reconnus dans le domaine, explique que7 :

Jevons’ Paradox implies that all economically justified energy-efficiency improvements will increase energy consumption above where it would be without those improvements. Since this is a counterintuitive claim for many people, it requires strong supporting evidence if it is to gain widespread acceptance. The main conclusion from this paper is that such evidence does not yet exist. The theoretical and empirical evidence cited in favour of the Paradox contains a number of weaknesses and inconsistencies and most is only indirectly relevant to the rebound effect. Nevertheless, the arguments and evidence deserve more serious attention than they have received to date. Much of the evidence points to economy-wide rebound effects being larger than is conventionally assumed and to energy playing a more important role in driving productivity improvements and economic growth than is conventionally assumed.

Ces travaux sur l’énergie ont servi de matrice pour ensuite développer les recherches sur ce phénomène sur l’usage des ressources et des modèles de production / consommation dans les économies nationales et au-delà. Au final, on peut affirmer que l’augmentation de l’efficacité d’un produit ou d’un service, modifie mécaniquement son schème de consommation, généralement à la hausse (sans impliquer automatiquement un backfire), et que cet effet doit être modélisé, sous peine de surestimer les effets réels de l’efficacité / substitution et de sous-estimer l’impact environnemental total.

Par rapport à d’autres secteurs, la façon dont les effets rebond agissent à travers des services et infrastructures numériques est encore peu étudiée. Toutefois, Vlad Coroama et Friedemann Mattern rappellent la coloration spéciale que peuvent prendre les effets rebond au sein du processus de numérisation8 :

We use the umbrella term digital rebound to denote any such rebound effects induced by digitalization technologies, whether they stem from individual IT goods and services, the digitalization of entire economic sectors, or indeed the whole economy. […] Digitalization, however, pervades nowadays virtually all economic sectors and has become an indispensable part of technological infrastructure, not unlike roads or the electrical grid. Thus, it also fosters efficiency gains throughout the economy. Given its immateriality, its potential for virtualization, and the low entry barriers for its adoption, it is also a technology phenomenon that develops its effects very rapidly (and often without geographic limits). For all these reasons, digitalization seems to be particularly prone to the various incarnations of rebound effects.

Ces derniers notent aussi des situations dans lesquelles les effets rebond sont limités : des facteurs limitant comme les moyens financiers ou l’espace disponible, ou tout simplement si le marché est saturé. De même, les effets rebond peuvent être positifs, voire souhaités, si le rebond favorise des activités plus écologiques (économie circulaire, cleantech, etc.).

L’effet rebond direct

Un effet rebond direct ne concerne que les modifications d’usage liés à l’augmentation de l’efficacité du produit ou du service étudié : est-ce qu’une voiture consommant moins de carburant par kilomètre me fait faire plus de kilomètres ? On se situe ici que dans le schème de consommation initial (l’usage de cette voiture) et on ne regarde pas au-delà. Ce schème peut être modifié car l’augmentation de l’efficacité réduit le coût de l’activité : faire un kilomètre est moins cher donc j’en fais plus ; un produit coûte moins cher donc j’en achète en plus grande quantité.

Les effets rebond indirects

Nous rentrons ici dans la catégorie d’effets appelée du ‘troisième ordre’. Cela concerne les changements des motifs de production et de consommation au-delà du service étudié, que ces changements opèrent dans des services adjacents, d’autres secteurs économiques ou transforment des schémas sociaux et culturels.

Induction, effet rebond direct ou indirect ? – Crédits: xkcd

De nombreux types d’effets rebond indirects ont été identifiés ou conceptualisés. Je me base ici sur les typologies retenues par Sorrell7 et Coroama et Mattern.8 En premier lieu, nous trouvons l’ensemble formé en économie par l’effet de revenu (income effect) et l’effet de substitution (substitution effect). En résumé, si on considère que l’augmentation de l’efficacité modifie le prix d’un produit ou d’un service, cela rend le nouveau service moins cher que d’autres services, déplaçant des consommateurs d’un service à l’autre (effet de substitution), et permettant d’acheter globalement plus de services ou de produits (effet de revenu). Ces effets tendent à augmenter la consommation du service ou du produit le plus efficace au détriment d’autres services plus chers et/ou moins efficaces. Berkhout et al. explique la relation ainsi9 :

A change in the price generally has two effects on demand of the commodity. The commodity becomes cheaper (or more expensive) relative to other goods, which leads to the substitution effect. Secondly, real disposable income grows (or falls), leading to the income effect. The total price effect is equal to the sum of the two effects, reflected by the well-known Slutsky equation.

Si les effets vus jusqu’à présent se situent du côté de la consommation, la production de biens et de services peut aussi être touchée. Berkhout et al.10 estime qu’un processus de production plus efficace réduit le coût de production par unité et modifie l’allocation entre énergie, capital et travail en fonction du prix que le producteur peut fixer sur les marchés. Les auteurs nomment cela le rebond de production (producer rebound). Par exemple, si le processus de fabrication coûte moins cher au producteur il peut choisir d’utiliser plus d’énergie plutôt que d’investir en capital ou en force de travail, augmentant ainsi sa production et sa consommation d’énergie.

Un autre effet rebond est particulièrement pertinent lorsqu’on s’intéresse au secteur numérique : l’effet rebond temporel (time rebound). Cet effet a deux façettes, en premier lieu, si un service me permet d’accomplir une activité en moins de temps alors je dispose de plus de temps pour d’autres activités, entrainant une consommation supplémentaire. Par exemple, grâce à une application de navigation je mets moins de temps pour rentrer chez moi, ce qui me donne l’opportunité de regarder la télévision grâce au temps gagné. En deuxième lieu, le time rebound désigne l’énergie dépensée pour gagner du temps. Binswanger11 rappelle que les technologies visant à gagner du temps impliquent souvent une consommation énergétique accrue (du vélo à l’avion). L’intégration de ces technologies pour gagner du temps peuvent avoir une consommation d’énergie plus importante, amplifiée par le fait qu’on utilise plus les services qui nous font gagner du temps (une voiture peut fait ‘gagner’ du temps mais nous passons de plus en plus à l’utiliser pour diverses activités, jusqu’au moment où elle nous fait ‘perdre’ du temps.). Finalement, en admettant que les côuts du service permettant de gagner du temps soient moins élevés que les coûts liés au temps gagné, alors nous sommes prêts à dépenser plus d’énergie pour gagner plus de temps. Par exemple, je préfère traverser l’Atlantique en avion plutôt que de passer un mois sur un voilier et perdre un mois de salaire.

Les effets rebond macro-économiques et systémiques

La dernière catégorie d’effets rebond indirects est connue pour être la plus dure à saisir et à quantifier. Cela implique autant des changements sectoriels, une modification de l’équilibre des marchés, que des changements structuraux dans les modes de vie, ce qui est désigné dans le premier tableau comme rebond macro-économique (economy-wide rebound) et transformation systémique (systemic transformation).

Les effets rebond macro-économiques touchent généralement à l’évolution de la croissance économique, des facteurs de productivité (capital, travail) et des investissements.12 Pour définir les effets rebond macro-économiques, les chercheurs spécialisés utilisent des modèles appelés Computable General Equilibrium (CGE) qui consistent en des jeux d’équation décrivant, dans une économie donnée, les comportements des producteurs, consommateurs et des autres acteurs économiques avec leurs interdépendances et les retours d’information.13 Ces modèles ont de nombreuses limitations mais peuvent au moins servir de point de référence. De façon générale, les variations de prix sont difficilement prévisibles et de nombreux facteurs sont impossibles à modéliser correctement ou même trop inattendus (l’effet de la COVID-19, la guerre en Ukraine, les prix de l’énergie en 2022, …). De même, il est difficile de prévoir les services et les produits qui vont rencontrer un succès, et encore moins de les imaginer. Cet inconnu est nommé l'effet de frontière (frontier effect) par Jenkins, le définissant ainsi :

[…] the ‘production-possibility frontier’ for an energy-using technology expands significantly, opening up unforeseen opportunities for substitution and potentially significant impacts on economic activity and the composition of the economy. Whether this should be considered a distinct rebound effect – perhaps dubbed a ‘frontier effect’ – or simply an extreme case of severe rebound due to the combined impact of multiple other rebound mechanisms (i.e., the combined macroeconomic impact of direct output and substitution effects, economic growth effects, etc.) is unclear. What is clear is that in such cases, backfire is the most likely outcome.

Les transformations systémiques sortent du cadre économique pour désigner des changements de modes de vie. Par exemple, le télétravail modifie les choix des travailleurs quant au choix de leur domicile, en fonction de l’accès à des réseaux haut-débit et à bien d’autres choix (écoles, accès aux trains / autoroutes / etc.). À cet effet, il serait tout à fait pertinent d’étudier, en tant que transformation systémique, l’effet de la numérisation (déploiement des réseaux fixes et mobiles, développement du télétravail et du e-commerce) sur l’étalement urbain.

Les promesses d’effets positifs de la numérisation

De nombreuses études existent pour annoncer les impacts positifs de la numérisation pour la transition écologique. Ces impacts prennent souvent la forme de gains d’efficacité et d’effets de substitution obtenus grâce à la numérisation et à des nouvelles technologies, exprimés en énergie économisée et en émissions de gaz à effet de serre évitées. Les études récentes les plus connues sont celles de l’association GeSI – formée avec des acteurs majeurs du secteur numérique – (SMART 202014, SMARTer 202015, SMARTer 203016) ; et celle de la GSMA – l’organisme mondiale de représentation des opérateurs télécom – (The Enablement Effect17). Les rapports GeSI expriment un potentiel d’émissions évitées d’ici 2020 et d’ici 2030. Le rapport GSMA estime des évitements obtenus en 2018 grâce aux technologies mobiles. Ces rapports n’utilisent pas forcément les mêmes méthodes, ni les mêmes données, ni les mêmes scénarios, ils sont donc difficilement comparables. Néanmoins, les affirmations de ces rapports sont synthétisées ci-dessous.

Toutes ces études tentent de montrer que l’investissement dans le secteur numérique permet de réduire les émissions dans d’autres secteurs grâce à une meilleure optimisation, de la substitution et des changements de comportements. Ces affirmations sont reprises par les entreprises du secteur numérique et influent sur l’orientation des politiques publiques vis à vis du développement numérique. On retrouve les chiffres de GeSI et GSMA dans les rapports et documents de travail de l’Union Européenne, des opérations de relations publiques des entreprises, ou même dans les think tanks gouvernementaux chinois responsables des questions numériques18. Ce calcul des émissions évitées commence à prendre le nom de scope 4 dans les bilans carbone, même si les méthodes restent au mieux exploratoires, au pire bancales.

Il est nécessaire de rappeler qu’il n’y a pas de publication scientifique proposant une estimation globale des émissions évitées par la numérisation. Malgré les propositions de cadrage comme le Avoided Emissions Framework19, les méthodes actuelles sont trop lacunaires pour être sérieusement mobilisées par la communauté de recherche. Dans le cas des chiffres avancés par GeSI et GSMA, quelles méthodes ont été utilisées et quelle credibilité peut-on leur attribuer ? J’ai écrit un long rapport technique qui vérifie et reprend point par point les scénarios, les données et les méthodes de ces rapports. Ainsi, j’expliquerai ici uniquement comment les émissions évitées ont été calculées. Voyons en premier lieu, la méthode de SMARTer 2030.

La méthode de SMARTer 2030 repose sur l’identification d’un levier de réduction des émissions, sa quantification, l’estimation de son taux d’adoption au niveau global, et l’application du facteur de réduction ainsi obtenu au niveau mondial. J’ai repris ci-dessous la méthode pour calculer les émissions évitées par la télémédecine, représentant 2% des émissions totales évitées selon GeSI. Les leviers identifiés par ce rapport semblent pertinents par contre leur quantification pour 2030 est bien trop optimiste, voire absurde. Par exemple, les auteurs du rapport estiment que les compteurs intelligents réduiront la consommation d’énergie des ménages de 40%, que la numérisation va réduire d’ici 2030 la consommation d’énergie de l’agriculture de 65%, le production mondiale d’énergie de 20%, les voyages d’affaires en voiture et en avion de 80%, etc. Ces hypothèses ne sont généralement pas sourcées et s’appuient peu sur la littérature scientifique à disposition. Les auteurs essayent d’estimer les effets rebond directs (1,27 Gt eqCO2) mais ne les incluent pas dans leur total.

Méthode de calcul du rapport SMARTer 2030 de GeSI.

Le rapport de la GSMA se concentre sur les émissions évitées grâce aux technologies mobiles (smartphones, IoT, etc.). La méthode se base sur la multiplication d’un facteur de réduction des émissions de gaz à effet de serre par le nombre de smartphones ou le nombre de connexions Machine-to-Machine (M2M) dans le monde. Pour obtenir ce facteur de réduction, les auteurs du rapport se basent sur des études de cas industriels, de la littérature scientifique et un sondage complété par 6100 personnes sur l’usage de leur smartphone. L’exemple du partage d’habitation ci-dessous représente la plus grande source d’émissions évitées du rapport. Le facteur de réduction (-61% US, -89% EU) se base sur une seule étude commissionnée par Airbnb en 2014 interrogeant 8000 clients et hôtes (inaccessible aujourd’hui). En fait, les pôles d’émissions évitées les plus importants dans l’étude de GSMA sont toujours ceux où les réponses du sondage de 6100 personnes sont extrapolées au niveau mondial via la méthode du rapport. Les effets rebond ne sont pas directement intégrés mais un rebond est tout de même visible sur les services type Uber / Lyft où le nombre de kilomètres parcourus augmente, rajoutant des émissions.

Méthode de calcul du rapport The Enablement Effect de la GSMA.

La plupart des rapports promettant que la numérisation peut aider à la transition écologique sont basés sur des méthodes biaisées, surestimant l’efficacité et la substitution futures en s’appuyant sur des chiffres généralement non sourcés / vérifiés ou de mauvaise qualité. De même, ils n’intégrent pas les autres effets indirects (induction, effets rebond directs et indirects). Sur le fond, ces rapports posent aussi des problèmes conceptuels, peut-on réduire le nombre de lits et l’usage des équipements de santé sous fond de numérisation ? Les hypothèses ont un fond idéologique fort qu’il faut réinterroger. S’il y a bien sûr des effets positifs de la numérisation en termes d’efficacité, de substitution ou de changement de comportement, ces rapports présentent une image faussée et ne doivent pas être utilisés pour orienter les politiques publiques et notamment celles de la transition écologique.

Prendre en compte les effets indirects

Aujourd’hui, nous n’avons pas les moyens d’affirmer que la numérisation aide à la transition énergétique et écologique. Nous savons que certains services numériques ou certains cas d’usage fonctionnent (conférences en ligne, etc.) mais cela ne permet en aucun cas de conclure que la numérisation a un impact net positif au niveau macroscopique . C’est la conclusion du GIEC dans le rapport du Working Group III – dédié aux solutions pour l’adaptation et l’atténuation du changement climatique20 :

At present, the understanding of both the direct and indirect impacts of digitalisation on energy use, carbon emissions and potential mitigation is limited. […] System-wide effects endanger energy and GHG emission savings. Rising demand can diminish energy savings, and also produce run-away effects associated with additional consumption and GHG emissions if left unregulated. Savings are varied in smart and shared mobility systems, as ride hailing increases GHG emissions due to deadheading, whereas shared pooled mobility and shared cycling reduce GHG emissions, as occupancy levels and/or weight per person kilometre transported improve. Systemic effects have wider boundaries of analysis and are more difficult to quantify and investigate but are nonetheless very relevant. Systemic effects tend to have negative impacts, but policies and adequate infrastructures and choice architectures can help manage and contain these.

Chaque effet indirect que j’ai pu expliquer auparavant vient avec son lot d’incertitudes, de biais méthodologiques et d’opacité, ce qui rend la modélisation complexe à chaque niveau. Pourtant nous arrivons petit à petit à améliorer nos méthodes.

L’exemple du compteur intelligent

Pour bien comprendre la modélisation des effets indirects prenons l’exemple du compteur intelligent. Nous pouvons réutiliser la structure du tableau des effets directs et indirects présenté en introduction.

Scope Effects Smart meter
Direct / First order Manufacturing + EoL footprint Energy use, carbon emissions, material and water consumption, ecotoxicity, …
Operational footprint Energy use, carbon emissions
Borderline case Induction Concentrators, use of mobile access networks and core networks, servers in data centers, install new meters
Indirect / Second order Efficiency / Optimization Saved energy from households due to behaviour change, optimized network management for grid operators
Substitution Meter reading by employees by car
Direct rebound Increased energy consumption and heating due to lower prices and behaviour change
Indirect / Third order Indirect rebound Re-spending, new home management devices (thermostats, etc)
Economy-wide rebound Enable the development of renewable energies, enable smart homes and smart grids, support the deployment of electric vehicles
Systemic Transformation Modify energy mix and overall energy capacity

Effets directs d’un compteur conventionnel

Nous devons comparer le compteur intelligent au compteur qu’il remplace. Dans un premier temps nous devons savoir l’empreinte du dispositif actuel. Je n’ai pas trouvé d’analyse de cycle de vie d’un compteur électrique conventionnel en France donc j’appuierai sur les travaux de Rizwan et al.21 et de Sias22 pour le bien de la démonstration. Les premiers estiment qu’un compteur conventionnel émet 9,61 kgCO2e (dont 3,78 pour un usage de 15 ans au Pakistan), consomme 9,59 kg d’équivalent pétrole (dont 2,79 pour l’usage), soit 110 kWh, et 6,98 m3 d’eau (dont 2,79 pour l’usage). De façon agrégée, la phase de fabrication semble représenter 55 à 65% des impacts environnementaux totaux. Sias estime qu’un compteur conventionnel a une empreinte carbone de 5,60 kgCO2e pour un usage de 15 ans en Californie, avec la majeure partie de l’empreinte liée à la phase d’usage – à l’inverse de Rizwan et al. À défaut de mieux, nous utiliserons l’empreinte la plus basse pour maintenir une approche conservatrice.

Effets directs d’un compteur intelligent

Nous pouvons maintenant considérer les effects environnementaux directs d’un compteur intelligent. Malmodin et Coroama estiment que l’empreinte de la fabrication est la même entre un compteur conventionnel et un compteur intelligent et ne l’ont pas inclus dans leur analyse23. Cela parait étonnant puisqu’un compteur intelligent intègre des composants électroniques avec un fort impact envirommental (CPU, écran LCD, etc.) et qui ne font pas parti d’un compteur conventionnel. Ils estiment la consommation électrique d’un compteur intelligent à 17,5 kWh par an (puissance moy. de 2 W) mais ne prennent pas en compte la veille des compteurs. Aleksic et Mujan considèrent que la phase d’usage représente 32% de la consommation d’énergie du cycle de vie : soit 200 kWh (710 MJ) pour une durée de vie de 15 ans. Les phases de fabrication / transport / fin de vie représenteraient 420 kWh (1510 MJ)24. Ils estiment que l’empreinte opérationnelle représenterait 32% des impacts du cycle de vie complet et mettent en avant la place prépondérante de la fabrication des composants électroniques dans l’impact total. Toutefois, leurs résultats semblent trop élevés même pour être mobilisés, même à titre d’exemple.

La phase d’usage des compteurs intelligents étant plus étudiée, nous disposons ici de données françaises. Gougeon et al. estiment que le parc français de 36 millions de compteurs, plus ou moins récents (de G1 à G3, à 2 W), consomment 126 MWh par jour (en prenant en compte la veille), soit 1,27 kWh par an par compteur25. Si on considère la durée de vie moyenne d’un compteur à 15 ans, cela totaliserait alors une consommation totale de 19 kWh par compteur. Toutefois Gougeon et al. ne proposent pas d’estimation de la fabrication et de la fin de vie. Sias estime l’empreinte carbone d’un compteur conventionnel à 5,60 kgCO2e (sur 15 ans) et celle d’un compteur intelligent à 7,98 kgCO2e (sur 20 ans). Si nous nous arrêtons ici, l’exercice semble négatif pour le compteur intelligent, mais nous parlons ici que d’une très faible consommation d’électricité.

Efficacité

Côté usager, un des objectifs principaux d’un compteur intelligent est de remonter des données plus fines aux occupants d’un foyer afin qu’ils modifient leur consommation d’énergie grâce à ces nouvelles informations. Côté fournisseur, ces données agrégées peuvent permettre de suivre l’état du réseau et des consommations, et d’accompagner les évolutions du mix (production d’énergies renouvelables, etc.). Le mécanisme d’efficacité se situe donc principalement sur le changement de comportement des foyers. Il y a eu de nombreuses enquêtes et études sur les économies d’énergie permises par un compteur intelligent. Il faut être toutefois vigilant sur les périmètres de ces études (taille de l’échantillon, localisation, type de dispositif, type d’usages, climat, etc.). Pour une estimation globale, il est possible de prendre un facteur de réduction moyen à 2% ou 3%26. Le tableau ci-dessous regroupe les résultats d’une bonne partie des études publiées entre 2011 et 2015. La fourchette va de 0 à 18% avec une médiane aux alentours de 4% d’énergie économisée. En France, l’ADEME s’appuie sur une enquête réalisée sur 3200 foyers pendant 14 mois pour annoncer des économies d’énergie à 7,7% par foyer en moyenne27. Cependant, le dispositif s’appuie sur un écran interactif, des prises communicantes, des capteurs météo, ce qui dépasse le périmètre du compteur. La même enquête estime que si ces économies étaient appliquées à l’ensemble des français cela permettrait des économies d’électricité comprises entre 7,3 et 8,4 TWh/an28. Étant donné le périmètre trop large de l’étude française, il semble plus raisonnable de garder l’hypothèse de 2 à 3% d’économies d’énergie par foyer.

Sources: Serrenho & Bertoldi (2019) Smart home and appliances: State of the art (JRC Technical reports); Malmodin & Coroama (2016) Assessing ICT’s enabling effect through case study extrapolation – the example of smart metering
Study Consumption type Country Media Frequency Sample size Duration [months] % Savings
DECC (2015) Electricity UK IHD Continuous 5145 12 2.3%
DECC (2015) Heating UK IHD Continuous 5145 12 1.5%
D’Oca et al. (2014) Electricity IT IHD Continuous 31 12 18.0%
Nilsson et al. (2014) a Electricity SE IHD Continuous 20 1 0.0%
Nilsson et al. (2014) b Electricity SE IHD Continuous 13 1 0.0%
Carroll et al. (2013) Electricity and heating IE IHD Continuous 636 12 2.0%
ACEEE (2012) Electricity and heating US, UK n.a. Continuous 15 650 n.a. 2.3%
VaasaETT, Empower Demand, EU (2011) Electricity and heating EU IHD Continuous 290 000 1 to 12 5.0 to 9.0%
E.ON / AECOM (2011) d’ Heating UK Mixed Mixed 1436 24 4.6%
E.ON / AECOM (2011) d” Heating UK Mixed Mixed 1436 24 2.2%
E.ON / AECOM (2011) d’ (fuel poor) Electricity UK Mixed Mixed 2524 24 2.0%
E.ON / AECOM (2011) d” (high use) Electricity UK Mixed Mixed 2524 24 4.0%
E.ON / AECOM (2011) d”’ (not fuel poor) Heating UK Mixed Mixed 1436 24 4.9%
E.ON / AECOM (2011) e Electricity and heating UK Mixed Mixed 2524 24 3.0%
EDF / AECOM (2011) b Electricity UK IHD Continuous 370 20 5.0%
EDF / AECOM (2011) c Electricity UK IHD Continuous 200 20 7.0%
Scottish Power / AECOM (2011) Electricity UK Mixed Mixed 1603 10 0.0%
Scottish Power / AECOM (2011) Heating UK Mixed Mixed 1603 9 0.0%

Substitution

Le première chose que substitue un compteur intelligent est le déplacement de techniciens pour relever les compteurs. Cependant, les campagnes de relevé de compteurs sont généralement mutualisées et n’interviennent qu’une seule fois par an. Les trajets en véhicules pour installer de nouveaux compteurs intelligents suivent la même logique (interventions mutualisées et pose unique). Malmodin et Coroama estiment que la réduction d’émissions de gaz à effet de serre est relativement faible, à peu près 1 kgCO2e par foyer et par an. Cela est assez proche des résultats de Sias en Californie : 1,35 kgCO2e par foyer / an pour la relève d’un compteur conventionnel et la maintenance, et 46 gCO2e par foyer / an pour la maintenance d’un compteur intelligent29.

Comparaison des impacts environnementaux entre un compteur intelligent et un compteur conventionnel, issue de la thèse de Glenn Sias

Dans un second temps, il est aussi nécessaire de calculer les effets de la substitution d’un compteur conventionnel à un compteur intelligent. Comme évoqué auparavant, Glenn Sias a conduit une analyse de cycle de vie comparée entre ces deux types de compteurs en Californie. Sans prendre en compte les équipements induits, il estime qu’un compteur intelligent a plus d’impacts qu’un compteur conventionnel sur tous les indicateurs environnementaux étudiés30. Ici la substitution n’est pas positive :

Overall, the electricity used for meter operation creates the greatest contribution to annual life cycle impacts for both the CM and SM. The SM requires 80% more electricity for its operation than the CM (56.8 MJ/year versus 31.5 MJ/year), and this is the primary reason why annual SM impacts are greater than those of the CM.

Induction

Un compteur intelligent induit l’usage d’autres équipements pour fonctionner : un concentrateur, le réseau d’accès mobile (GPRS / 3G), le réseau coeur et des serveurs dans un centre de données. En l’occurence, Malmodin et Coroama, et Gougeon et al. ont modélisé les impacts de ces équipements. Les concentrateurs ont une consommation d’électricité importante liée à leur usage d’un courant porteur en ligne (CPL). Les concentrateurs agrègent et communiquent les données de consommation via le réseau GPRS ou 3G jusqu’aux serveurs du fournisseur d’énergie. La différence entre les résultats de Malmodin et Gougeon vient principalement de la puissance des concentrateurs prise en hypothèse : entre 1 et 2,7 W pour le premier et 15 W de consommation statique pour le second. Dans tous les cas, l’envoi automatisé de données de consommation énérgétique induit l’usage d’équipements dont l’empreinte est bien supérieure au compteur lui-même qu’il soit intelligent ou non.

Sources: Malmodin & Coroama (2016) Assessing ICT’s enabling effect through case study extrapolation – the example of smart metering; Gougeon et al. (2022) Modeling the End-to-End Energy Consumption of a Nation-Wide Smart Metering Infrastructure (see: https://smart-grid-network.herokuapp.com)
Footprint per equipment / year Life phase Concentrators Mobile access networks Core networks Servers
Malmodin & Coroama (2016) Manufacturing 33 to 35 kgCO2e <0.15 kg CO2e / year <0.15 kg CO2e / year
Operations 7.5 kgCO2e / 13 kWh <0.6 kg CO2e / <1 kWh <0.6 kg CO2e / <1 kWh
Gougeon et al. (2022) Operations 131 kWh / 2,8 kWh par compteur 16 Wh ~ 0 kWh ~ 0 kWh

Un autre effet induit est la pose de nouveaux compteurs partout en France qui mobilise l’envoi de techniciens en véhicules de service. Ces déplacements ont bien sûr un impact en termes de gaz à effet de serre mais doivent être mis en relation avec les trajets évités grâce au relevé de compteur automatisé. Nous reviendrons plus en détail là-dessus dans le partie dédiée à la substitution.

Effets rebond direct

Il y a un nombre substantiel d’articles de recherche traitant des effets rebond direct et indirect liés aux économies d’énergie. J’ai ainsi sélectionné qu’un article récent et situé dans notre territoire. À partir des données résidentielles françaises, Belaïd et al. confirment qu’il existe bel et bien un effet rebond lié au prix, et que cet effet évolue en fontion des quantiles étudiés (de 38% dans le 10e quantile (intervalle de 0 à 10 représentant les foyers les plus pauvres) à 71% dans le 90e quantile (intervalle de 90 à 100 représentant les foyers les plus riches))31. De plus, ils estiment un effet rebond lié à l’efficacité énergétique, allant de 72% à 86%. Ils observent que les effets rebond sont moins importants dans le 50e quantile qu’aux extrêmités (10e et 90e quantile), traduisant des inégalités importantes. Finalement, vu que l’effet rebond lié à l’efficacité énergétique ne dépasse pas les 100%, il n’y a donc pas de backfire. Pour bien comprendre la logique ici, on estime que si un gain d’efficacité représente 100% alors un effet rebond de 72% laisse un gain final de 28%. Ramené à la consommation d’électricité, cela veut dire que des économies d’énergie de 3% sont réduites à 0,84%.

On pourrait estimer que les effets rebond sont déjà inclus dans les gains d’efficacité observés dans les études et enquêtes présentées auparavant. En effet, si un compteur enregistre toute la consommation électrique d’un foyer, alors l’électricité consommée à la fin de l’année inclut à la fois l’efficacité lié à un changement de comportement, et l’effet rebond lié à un autre changement de comportement. Cependant, il y a deux éléments à prendre en compte, le maintien du comportement positif dans le temps et l’effet Hawthorne. Cet effet implique que la sensation d’être observé ou testé lorsqu’on participe à une expérience peut modifier le comportement, généralement vers une plus grande motivation. Schwartz et al. ont étudié ce phénomène dans le périmètre des économies d’énergie résidentielles. Le groupe de leur échantillon qui recevait une carte postale chaque semaine leur rappelant qu’ils faisaient parti d’une expérience, réduisait sa consommation d’électricité de 2,7%, sans qu’aucune indication ou objectif a été donnée dans ce sens32. Dans ces conditions, qu’est-ce qu’il tient du changement de comportement lié au compteur intelligent ou du changement de comportement lié au fait d’être observé dans les enquêtes et études d’économies d’energie ?

Effets rebond indirect

Les effets rebond indirects désignent ici la consommation accrue d’autre biens et services avec l’argent économisé et les achats d’équipements connectés, non-indispensables mais complémentaires avec le compteur intelligent comme les thermostats, prises connectées, etc (nous sommes à la frontière de l’induction). À ce titre, le calcul des effets rebond indirects tient plus du champ de l’économie et de ses méthodes que de l’analyse sociologique et environnementale.

En général, il est nécessaire de regarder les dispositifs permettant les gains d’efficacité, puis l’argent économisé par ces gains, puis le transfert de dépenses vers d’autres biens et services (income effect), et l’empreinte environnementale (énergie / carbone au moins) liée à ces nouvelles dépenses. Il est dur de trouver des publications scientifiques qui ciblent spécifiquement les effets rebond indirects des compteurs intelligents, il existe toutefois un grand nombre d’études sur les dispositifs d’économie d’énergie dans les foyers (isolation thermique, etc). Chitnis et al. estiment que pour un foyer britannique moyen, une amélioration de l’efficacité énergétique se traduit par des effets rebond direct et indirect de 5 à 15%33. La majeure partie de cette estimation est liée aux effets rebond indirects. Ils observent que les dépenses énergétiques représentaient 2,4% des dépenses d’un foyer britannique moyen en 2009, le report de dépenses se fait principalement vers d’autres dépenses liées à la maison (paiement des emprunts, réparation, maintenance, etc.), les usages récréatifs et les loisirs. Toutefois, en termes d’empreinte carbone, l’usage d’autres transports, la consommation de gaz pour d’autres services, les achats supplémentaires de nourriture et l’entretien du véhicule représentent la majeure partie de l’impact. À titre de comparaison, Jaume Freire-González estime plutôt que les effets rebond directs et indirects au Royaume-Uni seraient entre 49 et 63%34. Cette différence est liée aux méthodes utilisées : estimations basées sur l’élasticité du revenu pour Chitnis, et scénario proportionnel chez Freire-González (le nouveau revenu est utilisé de la même manière que les ménages utilisent leur revenu actuel).

Estimation de la contribution des différents groupes de produits à l’income effect, obtenu en agrégeant le produit des dépenses, l’intensité GES des dépenses et l’élasticité du revenu, d’après Chitnis et al.

Au-delà de l’effet de revenu (income effect), il nous faut aussi considérer l’achat d’équipements supplémentaires pour améliorer le fonctionnement et les gains d’un compteur intelligent. Ces équipements sont regroupés sous le terme d’HEMS (Home energy management systems) ou peuvent être une sous-partie de ce qu’on appelle une smart home ou HAS (Home Automation Systems). Cela va des ampoules, prises et capteurs connectés, jusqu’au contrôle de tout équipement consommateur d’électricité (frigo, chauffage, chauffe-eau, etc.). Dans le cas des smart homes, nous pouvons inclure les serrures connectées, les caméras, les capteurs sur fenêtre, capteur de température et d’humidité, les hubs de connexion, etc. Tous ces nouveaux systèmes entrainent une nouvelle empreinte qu’il s’agit d’estimer. Gray et al. ont procédé à une estimation bottom-up de la consommation d’électricté d’un HAS dans une maison de taille moyenne (6 capteurs température / humidité, 3 capteurs de porte, 20 capteurs de fenêtre, 40 ampoules connectées, etc.). D’après leurs résultats, le HAS consomme entre 1232 et 1460 kWh par an, et les ampoules connectées représentent presque la moitié de la consommation électrique du HAS35 (et cela sans considérer les impacts liés à la fabrication et à la fin de vie de ces équipements) :

We show that, on average, HAS may consume over one-third of the annual energy used in a mid- sized home, with non-trivial impact on the global ICT energy footprint.

Avec un nombre moindre d’équipements, Malmodin et Coroama estiment que l’ajout de HEMS (écran supplémentaire, capteurs de température, prises connectées, etc.) entrainent une consommation d’électricité dépassant les 100 kWh par an et une empreinte carbone liée à la fabrication entre 60 et 140 kgCO2e (6 à 28 kgCO2e par an)36. À moins que la maison comporte une nombre très important d’équipements connectés, comme dans le cas de Gray et al., il y a peu de chances qu’il y ait un backfire. Par contre, cela réduit encore les gains d’efficacité obtenus.

Effets rebond macro-économiques et au-delà

Les effets rebond macro-économiques impliquent une vision à l’échelle d’une économie sectorielle ou nationale. C’est généralement une observation a posteriori, lorsque une économie donnée s’est adaptée à une nouvelle situation d’efficacité et à une évolution des prix. En fonction des publications, les effets rebond macro-économiques peuvent intégrer tous les autres effets rebond, il faut donc être vigilant face au risque de double comptabilité. Pour rappel, Kulmer et Seebauer expliquent que37 :

The economy-wide rebound effect (also known as macroeconomic or aggregate/total rebound effect) emerges when the market adjustments and innovation processes after energy efficiency improvements lead to an overall increase in energy use within an economy. The economy-wide rebound effect subsumes all changes in the economy and hence accounts for direct and indirect rebound effects.

La plupart des publications scientifiques sur les rebonds macro-économiques s’appuient sur des Computable General Equilibrium (CGE), expliqués plus haut. Brockway et al. ont récemment proposé une revue des publications sur les rebonds macro-économiques liés à l’éfficacité énergétique. Ils concluent que, malgré la diversité des méthodes et des hypothèses, les rebonds macro-économiques pourraient faire disparaître plus de la moitié de l’énergie économisée grâce aux gains d’efficacité38 :

We find the evidence base to be growing in size and quality, but remarkably diverse in terms of the methodologies employed, assumptions used, and rebound mechanisms included. Despite this diversity, the results are broadly consistent and suggest that economy-wide rebound effects may erode more than half of the expected energy savings from improved energy efficiency.

Pour donner une perspective nationale, Kulmer et Seebauer utlisent un modèle CGE pour estimer l’effet rebond macro-économique de l’efficacité énergétique en Autriche à 65%39. En Espagne, Cansino et al. l’évaluent entre -4,51 et 40% sur une période allant de 2000 à 2014 40.

Résultats finaux

À titre d’exemple, nous pouvons agréger tous nos effets pour estimer le résultat final d’un compteur intelligent sur la consommation d’électricté des foyers et de l’économie nationale, ainsi que les émissions associées. La tableau ci-dessous reprend la plupart des effets développés (sauf les effets rebond macro-économiques) pour expliquer la logique de calcul. Je tiens à rappeler que les résultats présentés ne sont en aucun cas valide et ne doivent pas être utilisés hors du cadre de cette démonstration.

Combinaison des effets indirects liés à un compteur intelligent

J’ai pris une approche conservatrice sur la plupart des effets en choisissant des hypothèses conservatrices voire optimistes. En prenant en compte l’efficacité, la substitution, l’induction et l’effet rebond direct, un gain d’efficacité de 3% amènerait à émettre 0,07 kgCO2e en plus chaque année, et un gain de 10% à émettre 3,23 kgCO2e en moins. En prenant en compte un effet rebond indirect lié à l’achat de nouveaux équipements, les gains sont complètement absordés et on obtient des émissions supplémentaires de l’ordre de 6,37 à 31,67 kgCO2e en fonction des gains d’efficacité initiaux.

Les deux principales façons de réduire ces effets rebond négatifs est de maitriser les changements de comportement, autant dans le maintien des économies d’énergie que dans l’évitement d’un rebond direct, et d’éviter l’achat d’équipements supplémentaires type HEMS. Cet effet rebond indirect peut compenser à lui seul tout gain d’efficacité, à moins que les équipements achetés permettent de nouveaux comportements aux gains très conséquents, ce qui est difficilement envisageable. Enfin, je n’ai pas intégré les effets trop sensibles comme l’income effect ou les effets macro-économiques faute de données suffisantes donc cette démonstration reste incomplète, d’autant qu’elle est mono-critère (CO2e) et devrait inclurer au moins l’empreinte matérielle et eau.

Dans ce genre d’études, le choix des hypothèses est bien entendu crucial. En prenant des hypothèses médianes ou de contextes très éloignés, j’aurais eu un tout autre résultat. Comme pour les analyses de cycle de vie, il faut toujours regardé de très près les hypothèses sélectionnées. De même, ces études peuvent vite prendre une tournure fractale : un produit efficace crée des effets rebonds et induit des nouveaux équipements qui amène des gains d’efficacité et des effets rebond, qui induisent encore de nouveaux équipements qui …

Considérations méthodologiques

Ce très long article a essayé de faire le tour d’un sujet lui-même très vaste. Considérer l’ensemble des effets indirects liés au déploiement d’un service numérique est un exercice d’une grand complexité qui fait appel à des études comportementales, aux sciences environnementales, aux méthodes économétriques et bien sûr à la connaissance des équipements et infrastructures numériques. Ce dernier aspect rajoute une complexité supplémentaire car la numérisation est un phénomène dur à saisir.

Les effets de la numérisation sont ambigus à plus d’un titre. Les gains d’efficacité énergétique sont bien visibles sur les équipements mais ceux liés à des changements de comportement restent difficilement valables dans le temps. La substition et l’empilement d’équipements numériques a été accompagné de l’extension de ce qui peut être connecté ou numérisé, services et objets inclus (brosses à dents, etc.). La numérisation croissante induit la fabrication et l’usage de plus en plus d’infrastructures numériques (centres de données, réseaux, équipements utilisateurs). Des effets rebond directs sont bien évidemment visibles mais plus durs à modéliser du fait de la complexité des infrastructures numériques. Les effets rebond indirects et les effets macro-économiques et sociétaux sont encore largement inexplorés. Santarius offre une perspective intéressante face à cette complexité41 :

Humanity’s ecological footprint keeps growing although we have already digitalized significant parts of our economy and society over the past years. It seems that digitalization is not relaxing but rather reshaping societal metabolism in a way that tends to rebound on global energy and resource demand.

Coroama et Friedmann complètent cette vision en revenant sur les facteurs prépondérants dans le digital rebound 42 :

[…] the mechanisms behind rebound effects in general, and thus of digital rebound as well, are essentially non-technical in nature. Their roots reside in economics and in human behavior. It is thus highly unlikely that digital rebound can be addressed solely through technological means.

D’un point de vue méthodologique, cela implique de ne pas considérer par défaut que la numérisation va dans le sens des transitions énergétiques et écologiques. Il faut aussi considérer les effets rebond comme des facteurs à prendre en compte, à analyser et à modéliser. Les gains d’efficacité tiennent en partie à des changements de comportement modélisés dans de nombreux rapports et études (SMARTer, Enablement Effect, etc.), mais nous serions incapables de modéliser d’autres changements de comportement pour les effets rebond ? Cela tient d’un biais important qui témoignent de la volonté de nombreux acteurs à ne pas voir les aspects négatifs de la numérisation.

Crédits : xkcd

Finalement, si la modélisation des effets indirects (de l’efficacité aux effets rebond) sert à éclairer les choix politiques, environnementaux et technologiques futurs nous devons être capables de projeter les effets de la numérisation, qu’ils soient positifs ou négatifs. Or, si une partie des effets rebond peuvent être observés a posteriori, il est difficile de faire l’hypothèse d’effets rebond a priori. Des progrès restent à accomplir à ce sujet et des méthodes telles que les analyses de cycle de vie conséquentielles43 peuvent aider à cela. C’est aussi une question éthique car il s’agit de faire le choix entre le principe de précaution et le laissez-faire. De fait, même si nous étions capables de modéliser correctement l’ensemble des effets indirects et de déceler les impacts négatifs de la numérisation, il nous faudrait aussi déjouer les promesses industrielles d’une numérisation “verte” par essence44 :

Many of these and further assessments, in particular those with an industry background, deployed questionable methods and yielded overly optimistic results. They deliver an almost religious promise, which is being heralded by some prominent proponents with much fervor: that digitalization can be our common savior, the messiah-like technology that redeems us our environmental sins and which promises that we can maintain our current lifestyles while digitalization will handle the consequences.


  1. ITU-T L.1410, “Methodology for environmental life cycle assessments of information and communication technology goods, networks and services”, ITU, 2014, p.6. 

  2. Jan Bieser and Lorenz Hilty, “Assessing Indirect Environmental Effects of Information and Communication Technology (ICT): A Systematic Literature Review”, Sustainability 2018, p.2. 

  3. Lorenz Hilty, “Information Technology and Sustainability: Essays on the Relationship between Information Technology and Sustainable Development,” 2008, p.152. 

  4. William Stanley Jevons, “The Coal Question,” 1865 (à voir ici). 

  5. J. Daniel Khazzoom, “Economic Implications of Mandated Efficiency in Standards for Household Appliances,” The Energy Journal, 1980. 

  6. Harty Saunders, “The Khazzoom-Brookes Postulate and Neoclassical Growth,” The Energy Journal, 1992.  

  7. Steve Sorrell, “Jevons’ Paradox revisited: The evidence for backfire from improved energy efficiency,” Energy Policy, 2009. 

  8. Vlad C. Coroamă and Friedemann Mattern, “Digital Rebound – Why Digitalization Will Not Redeem Us Our Environmental Sins,” ICT4S 2019. 

  9. Peter Berkhout, Jos Muskens and Jan Velthuijsen, “Defining the rebound effect,” Energy Policy, 2000. 

  10. Ibid. 

  11. Mathias Binswanger, “Technological progress and sustainable development: what about the rebound effect?,” Ecological Economics, 2001, p.128.  

  12. Voir Paul Brockway et al., “Energy efficiency and economy-wide rebound effects: A review of the evidence and its implications,” Renewable and Sustainable Energy Reviews, 2021, p.17. pour une description des energy market effect, composition effect, growth effect, scale effect, labour supply effect et disinvestment effect

  13. Ibid., p.7. 

  14. The Climate Group, GeSI, “SMART 2020: Enabling the low carbon economy in the information age,” GeSI, 2008. 

  15. Boston Consulting Group, GeSI, “SMARTer 2020: The Role of ICT in Driving a Sustainable Future,” GeSI, 2012. 

  16. Accenture Strategy, GeSI, “#SMARTer2030 – ICT Solutions for 21st Century Challenges,” GeSI, 2015. 

  17. GSMA, The Carbon Trust, “The Enablement Effect – The impact of mobile communications technologies on carbon emission reductions,” GSMA, 2019. 

  18. CAICT, “数字碳中和白皮书,” [Livre blanc sur la neutralité carbone numérique] CAICT, 2021 (lien). 

  19. Andie Stephens, “Towards >60 Gigatonnes of Climate Innovations – The Avoided Emissions Framework,” Mission Innovation, 2020. 

  20. Minal Pathak et al., “Working group III contribution to the IPCC Sixth Assessment Report (AR6) – Technical Summary”, IPCC, 2021, p. 132-133. 

  21. Asfra Rizwan et al., “Environmental sustainability and life cycle cost analysis of smart versus conventional energy meters in developing countries,” Sustainable Materials and Technologies, 2022, p.7. 

  22. Glenn Sias, “Characterization of the Life Cycle Environmental Impacts and Benefits of Smart Electric Meters and Consequences of their Deployment in California,” UCLA Thesis, 2017. 

  23. Jens Malmodin and Vlad Coroama, “Assessing ICT’s enabling effect through case study extrapolation – the example of smart metering,” Electronics Goes Green 2016+, 2016.  

  24. Slavisa Aleksic and Vedad Mujan, “Exergy-based Life Cycle Assessment of Smart Meters,” IEEE 2016 ELEKTRO, 2016. 

  25. Adrien Gougeon et al., “Modeling the End-to-End Energy Consumption of a Nation-Wide Smart Metering Infrastructure,” ISCC 2022 - IEEE Symposium on Computers and Communications, 2022. 

  26. Jens Malmodin and Vlad Coroama, “Assessing ICT’s enabling effect through case study extrapolation – the example of smart metering,” Electronics Goes Green 2016+, 2016. 

  27. ADEME, “Les compteurs communicants pour l’électricité (Linky),” Les avis de l’ADEME, 2018. 

  28. TBH Alliance, “Affichage des consommations d’électricité : comprendre pour économiser,” TBH Alliance, 2015. 

  29. Glenn Sias, “Characterization of the Life Cycle Environmental Impacts and Benefits of Smart Electric Meters and Consequences of their Deployment in California,” UCLA Thesis, 2017. 

  30. Ibid., p.52. 

  31. Fateh Belaïd, Adel Ben Youssef and Nathalie Lazaric, “Scrutinizing the direct rebound effect for French households using quantile T regression and data from an original survey,” Ecological Economics, 2020. 

  32. Daniel Schwartz et al., “The Hawthorne effect and energy awareness,” PNAS, 2013. 

  33. Mona Chitnis et al., “Turning lights into flights: Estimating direct and indirect rebound effects for UK households,” Energy Policy, 2013. 

  34. Jaume Freire-González, “Evidence of direct and indirect rebound effect in households in EU-27 countries,” Energy Policy, 2017. 

  35. Chrispin Gray, Robert Ayre, Kerry Hinton and Leith Campbell, “‘Smart’ Is Not Free: Energy Consumption of Consumer Home Automation Systems,” IEEE Transactions on Consumer Electronics, 2020. 

  36. Jens Malmodin and Vlad Coroama, “Assessing ICT’s enabling effect through case study extrapolation – the example of smart metering,” Electronics Goes Green 2016+, 2016.  

  37. Veronika Kulmer and Sebastian Seebauer, “How robust are estimates of the rebound effect of energy efficiency improvements? A sensitivity analysis of consumer heterogeneity and elasticities,” Energy Policy, 2019. 

  38. Paul Brockway, “Energy efficiency and economy-wide rebound effects: A review of the evidence and its implications,” Renewable and Sustainable Energy Reviews, 2021. 

  39. Veronika Kulmer and Sebastian Seebauer, “How robust are estimates of the rebound effect of energy efficiency improvements? A sensitivity analysis of consumer heterogeneity and elasticities,” Energy Policy, 2019. 

  40. José Cansino, Manuel Ordonez and Manuela Prieto, “Decomposition and measurement of the rebound effect: The case of energy efficiency improvements in Spain,” Applied Energy, 2022. 

  41. Tilman Santarius, “Digitalization, Efficiency and the Rebound Effect,” 2017 in Vlad C. Coroamă and Friedemann Mattern, “Digital Rebound – Why Digitalization Will Not Redeem Us Our Environmental Sins,” ICT4S 2019. 

  42. Vlad C. Coroamă and Friedemann Mattern, “Digital Rebound – Why Digitalization Will Not Redeem Us Our Environmental Sins,” ICT4S 2019. 

  43. Thomas Schaubroeck et al., “Attributional & Consequential Life Cycle Assessment: Definitions, Conceptual Characteristics and Modelling Restrictions,” Sustainability, 2021. 

  44. Vlad C. Coroamă and Friedemann Mattern, “Digital Rebound – Why Digitalization Will Not Redeem Us Our Environmental Sins,” ICT4S 2019.