Une erreur de “tech”
- Gauthier Roussilhe
La popularisation de la “low-tech” depuis quelques années est un signe prometteur mais doit aussi nous appeler à la vigilance. La “low-tech” est irrémédiablement transformée par son traitement médiatique, qu’il soit consciencieux ou non, et sa signification évolue au fur et à mesure de son appropriation par un public plus large. Nous devons faire attention car, dès le départ, ce concept était fragile pour plusieurs raisons que nous allons évoquer plus bas. Néanmoins, est-ce que cette fragilité inhérente devrait nous inciter à nous en débarrasser ou, au contraire, à en prendre soin ? Derrière le concept de “low-tech” il y a des communautés humaines, des savoirs, des voyages, des passions et des engagements, ainsi ce concept n’appartient pas qu’au monde des idées, il se matérialise dans des documents pédagogiques, des lieux concrets, des objets et des dispositifs créés par des femmes et des hommes aux quatres coins du monde. C’est donc dans une démarche de soin mais aussi en hommage aux communautés et aux dispositifs créés que je souhaite me livrer à une analyse vigilante du concept. Il ne s’agit pas de le rendre moins fragile ou de le “sauver” d’une mauvaise interprétation, il s’agit plutôt que cette fragilité nous guide pour marquer le terrain avec précaution et douceur pour celles et ceux qui prennent déjà part à l’aventure ou qui y participeront.
Des termes erronés
La “low-tech” est un raccourci pour dire “low technology” parfois traduit en “technologie basse”, en opposition à la “high-tech”, la “high technology” généralement traduit par “technologie de pointe”. Les domaines généralement associés aux technologies de pointe sont l’aérospatiale, les biotechnologies, les technologies de l’information, les nanotechnologies et la robotique. La plupart de ces domaines ont deux caractéristiques communes : ils se développent à partir des années 50 et sont liés à l’émergence de l’informatique. En effet, ils nécessitent une certaine puissance de calcul, assurée par des opérateurs humains jusqu’à que les ordinateurs prennent majoritairement le relais. Si l’on s’en tient au dualisme entre high et low, tout ce qui est “high-tech” correspond à des technologies développées à partir des années 50 notamment aux États-unis, en Russie, en Europe de l’Ouest et en Asie de l’Est dans les sociétés industrielles et post-industrielles. Toutes les autres pratiques techniques, façonnées de tous temps et dans toutes les autres typologies de sociétés humaines, seraient donc par définition low. Cette discrimination n’est pas pertinente et relève plus d’une logique ethnocentrée et colonialiste qui ne traduit pas la richesse et la diversité des pratiques techniques dans des géographies et des temporalités différentes. Face à cette situation, il faut bien comprendre qu’ajouter un système des niveaux à cette opposition, par le biais d’un “middle-tech” par exemple, ne changerait pas la donne. Cela ne contesterait pas la position du high et du low. Par conséquent, cela ne modifierait pas la logique qui consiste à classer tous les savoirs techniques de l’humanité par rapport aux technologies qui ont émergé durant les soixante-dix dernières années, au sein de certaines sociétés humaines.
Le dualisme low-high et tous ses intermédiaires n’est donc pas le plus pertinent pour classer les techniques et les technologies développées par des communautés humaines. Mais faut-il vraiment les classer ? L’idée même de définir une échelle d’intensité (low < high) aux savoirs techniques est problématique pour deux raisons. Premièrement, ce classement est unique alors qu’il y a des milliers de façons de “classer” les savoirs techniques du monde entier. Lequel serait donc le plus légitime ? Deuxièmement, l’idée même de classer découle d’une logique méthodologique définie par le monde occidental, alors même que toutes les sociétés humaines ont produit de tous temps des savoirs techniques. Pourquoi la logique occidentale moderne serait-elle plus légitime que les autres ? Bien que cette logique ait des avantages, elle consiste aussi à faire violence au réel, en classant des dispositifs et des systèmes dans des silos, diminuant ou supprimant toutes les continuités et discontinuités qui les lient. Critiquer la logique de classement ne revient pas à disqualifier l’ensemble de la méthodologie scientifique, nous devons toutefois la manier et l’utiliser avec parcimonie.
On pourrait donc penser que le mauvais choix de mots vient de high et low. Pourtant il me semble que concentrer la critique sur ces mots revient à passer à côté du terme le plus important et le plus problématique : tech. Une attention toute particulière a été donnée à l’usage des mots “technique” et “technologie” depuis le début de ce texte pour cette raison. Dans la langue française nous utilisons couramment l’anglicisme tech pour désigner un secteur d’activité (la “tech”), des organisations (la “french tech”) ou encore des initiatives (“tech for good”). Nous avons certes un problème de qualitatif, mais que désignons-nous avec le mot “tech” que nous aimons tant qualifier, sans jamais le définir ?
Techniques et technologies
Disqualifier l’importance de la définition du “tech” reviendrait à nier plus de deux siècles de recherche en philosophie, en anthropologie et en histoire des techniques. Or si cette recherche nous a été transmise et s’est intensifiée, c’est précisément pour répondre à cette définition. Discuter de “tech-nique” ou de “tech-nologie” ne revient pas à parler de la même chose et chacun de ces mots possèdent une variété de définitions en fonction de la discipline qui les utilisent. Je souhaiterai donc faire un panorama de ces définitions pour comprendre les enjeux conceptuels et pratiques qui se cachent derrière la “tech”.
Dans la philosophie
En philosophie des techniques, on associe généralement le mot “technique” à l’ensemble des objets/outils et des pratiques usuelles qui émergent des communautés humaines. Dans ce schéma la “technologie” est un sous-groupe de la technique et désigne les objets/outils et les pratiques basés sur les “sciences modernes”1. Cette acceptation très large de “technique” et “technologie” en philosophie de la technique ne rend pas hommage à l’ensemble des thèses formulées dans le domaine, mais elle permet de présenter une première différenciation entre les deux termes.
Je n’aborderai que deux approches qui me paraissent significatives dans le cadre de cette section. La première est la disjonction que l’on peut faire entre la culture humaine et la technique. Il est commun d’opérer un raccourci consistant à dire que plus de “technique” veut dire moins “d’humain”. Mais c’est ignorer que la création d’outils et de pratiques techniques est partagée par toutes les communautés humaines, à divers degrés, sur des dizaines de milliers d’années. La “technique” fait partie de “l’humanité”, voire même d’autres espèces animales. Gilbert Simondon a largement traité le sujet, essayant de réconcilier “culture” et “technique” en expliquant que ce n’est pas la “technique” en elle-même qui “déshumanise”2, mais la façon dont on crée des objets et des dispositifs techniques3. Par exemple, l’aliénation d’ouvriers à des machines n’est pas lié à la machine elle-même, mais au fait que l’on dissimule son mode de fonctionnement à l’ouvrier. Cette dissimulation est partie prenante d’un processus d’accumulation du capital par des acteurs économiques et d’une séparation voulue entre l’ouvrier et le savoir technique de la machine qu’il opère. Dans la continuité de cette idée, Albert Borgmann propose le device paradigm4 pour distinguer les objets et les pratiques usuelles d’un côté et les “appareils technologiques” de l’autre. Il prend l’exemple de la production de chaleur (comme commodité) pour expliquer son modèle. D’un côté, le dispositif “cheminée” nécessite un grand engagement de son opérateur pour produire de la chaleur, il faut aller chercher, sécher, couper et entreposer du bois. Il faut entretenir le foyer, mais il est aussi nécessaire de savoir où et quand couper du bois et une connaissance du milieu est primordiale à l’usage du dispositif. D’ailleurs des pratiques sociales émergent autour de ce dispositif (chants, danses, histoires, …) et s’associent à la commodité (production de chaleur). De l’autre côté, l’appareil technologique “thermostat” ne nécessite aucun engagement de l’opérateur, si ce n’est son réglage ponctuel. Le thermostat fonctionne de manière uniforme quelque soit le contexte, et sa machinerie est invisible et inaccessible pour l’opérateur. Les tuyaux passent dans les murs ou dans des trappes, le thermostat et sa machinerie (chaudière) ne sont réparables que par un plombier ou un professionnel agréé. L’opérateur ne développera peu ou prou de savoirs techniques vis-à-vis de l’appareil qui a été conçu pour produire cet effet exact. Finalement, le device paradigm peut-être associé dans une certaine mesure à l’argument de Simondon concernant le mode de fonctionnement d’objets techniques.
Du point de vue de Borgmann, on comprend bien qu’on ne produit pas le même type d’objets et de pratiques si l’on se positionne du point de vue de la technique ou de la technologie. Là où le dispositif technique est fortement dépendant du contexte et de l’engagement de l’opérateur, les appareils technologiques dissimulent leur fonctionnement pour dissocier l’opérateur (l’ouvrier ou l’usager) des savoirs techniques. Là où l’entretien d’un foyer dans une cheminée (ou autre) s’associe à des pratiques sociales et culturelles riches, le thermostat crée une distance avec les pratiques quotidiennes. On voit rarement des personnes discuter autour du thermostat, de la chaudière ou du radiateur.
L’objet de cette partie n’était pas de faire une liste exhaustive des concepts philosophiques de la technique, une vraie pluralité de recherches existent et qu’il dépend de la curiosité de chacun d’aller plus loin sur la question. Certains auteurs sont intéressants à aller aborder : Martin Heidegger, Gilbert Simondon, Albert Borgmann, Andrew Feenberg et Yuk Hui, pour en citer quelques uns.
Dans l’anthropologie
En anthropologie des techniques, le terme “technologie” va désigner l’étude des techniques, au même titre que la biologie indique l’étude du vivant. Plus précisément, la technologie est “l’étude des activités entreprises par les hommes par acquérir et transformer des éléments organiques et inorganiques du monde naturel”5. Cette définition inclut autant les savoirs et savoir-faire que les gestes et les outils liés à des enjeux techniques et sociaux. On peut distinguer trois niveaux dans les activités techniques : au premier niveau, les matières premières, outils, gestes, savoirs et savoir-faire ; au second niveau, les processus, chaînes opératoires et rapports sociaux associés ; au troisième niveau, le “système technique”, c’est-à-dire l’ensemble des activités techniques d’un groupe social donné6. Les anthropologues suggèrent d’ailleurs d’appeler ce champ d’étude “technologie culturelle” pour éviter la confusion avec la “technologie” comprise par les ingénieurs.
Les techniques vues comme “système technique” sont des “actions socialisées sur la matière” et dans ce schème “toute technique est une production sociale”. Nos comportements techniques les plus “naturels” varient d’une culture à l’autre. On retrouve différentes techniques de marche, différentes techniques de portage ou même différentes techniques d’accouchement selon les groupes sociaux et les cultures. Pierre Lemonnier, dans le dictionnaire d’ethnologie et de l’anthropologie, rappelle qu’une technique met en jeu quatre éléments : “une matière (sur laquelle la technique agit), des objets (outils, moyens de travail, artefacts), des gestes ou des sources d’énergie (eau courante, vent, force animale, etc.), et des représentations particulières qui sous-tendent les gestes techniques”7. Dans cette acceptation, Lemonnier suggère que la rencontre d’un environnement (milieu) et du système technique d’une société fait émerger des solutions techniques potentielles, qu’il convient au groupe social d’adopter ou de rejeter. Cette théorie fait référence en partie au travail d’André Leroi-Gourhan, grand anthropologue des techniques, qui proposa un système de classement et d’observation des continuités et discontinuités des systèmes techniques. André Leroi-Gourhan souligne par exemple que lorsqu’on “sait conduire de l’air comprimé, on peut avoir la sarbacane, le briquet à piston, le soufflet à piston et la seringue”, et une continuité technique apparaît8. Toutefois l’apparition/acceptation même de la sarbacane dépend d’une friction avec le milieu : la sarbacane est très bien adaptée à la chasse en forêt, notamment en Asie du Sud-est, en Malaisie et en Amérique tropicale. C’est une arme précise à courte portée, sans bruit, sans appendice, qui s’accroche dans les branches mais la fléchette, généralement longue de 25 centimètres, est susceptible de dévier au moindre vent9. La sarbacane avait donc bien plus de chances d’être adoptée des peuples forestiers que par des peuples des grandes plaines balayées par les vents. Leroi-Gourhan rappelle ainsi que “la sarbacane correspond à un objet d’invention facile mais qui exige des conditions de milieu telles que sa réalisation est limitée, du moins dans son usage comme arme de chasse”10.

André Leroi-Gourhan s’inscrivit dans un courant d’anthropologie dite “concrète” ou “d’action”, avec plusieurs autres anthropologues dont André-Georges Haudricourt. Carole Ferret résume l’anthropologie de l’action comme “une anthropologie ancrée dans le concret, qui cherche à savoir comment les gens agissent. Non pas ce qu’ils sont ou ce qu’ils croient, mais quelles sont leurs manières de procéder”11. Dans une logique d’étude des activités humaines et de leur relation au milieu, Haudricourt formulera l’hypothèse de la “prédominance, au sein de chaque société, d’un certaine type d’actions”12 qui construisent et expliquent aussi bien la relation à la nature que la relation à autrui. Il construira une typologie d’actions en quatre termes : directe/indirecte, positive/négative. Celle-ci, dans la lignée du propos de Leroi-Gourhan, lie pratiques et savoirs techniques, sociabilité (rapport à l’autre et au non-humain), et rapport au milieu. Carole Ferret explique que l’action directe consiste en un contact étroit avec “l’objet domestiqué”, alors que l’action indirecte se définit par une absence de contact avec l’objet. L’action positive se démarque par un cheminement imposé à “l’objet domestiqué” tandis que l’action négative se contente de barrer certaines voies. Pour défendre son hypothèse, Haudricourt compara l’élevage du mouton en méditerranée à la culture de l’igname en Nouvelle-Calédonie, et l’effet de ces deux types d’action sur le traitement d’autrui. La tableau récapitulatif de Carole Ferret reproduit ci-dessous permet d’expliquer cette typologie. L’intuition initiale d’André-Georges Haudricourt a bien sûr de nombreuses limites, mais elle permet de penser dans un schéma général la relation entre technique, culture, et nature, rappelant que ces concepts ne sont pas isolés mais font partie d’un même continuum13.
Le milieu, compris à la fois comme le monde “naturel” et matériel, a une place prépondérante dans l’anthropologie des techniques. Dans ce cadre, la crise environnementale planétaire peut être vue comme une évolution fondamentale du “milieu”. On peut donc légitimement se demander comment cette crise modifie la production de systèmes techniques et même la méthode anthropologique. Le niveau sans précédent de transformations des milieux naturels et les dégâts environnementaux permis par les systèmes techniques des sociétés modernes industrielles (technosphère) modifient profondément la façon dont nous percevons les systèmes techniques, brisant les barrières conceptuelles entre technique, nature et culture. Matthieu Duperrex, lors d’une étude d’une passe à poissons sur la Garonne, met à jour les enchevêtrements entre les interventions techniques sur la rivière (dragage, gestion du lit, retenues, production hydroélectrique)et les actions de restauration écologique pour faire revenir le saumon atlantique et les activités propres à l’espèce (survie, habitat, dynamique, comportement). Le chercheur propose de voir la passe à poissons dans une interface et un milieu technique où “les humains se préoccupent de ce qu’est à nouveau une rivière pour le poisson”14. Duperrex rappelle que la technosphère comme la biosphère sont d’une complexité telle qu’on ne peut espérer un concept homogène pour les comprendre et les intégrer, à l’inverse la situation actuelle nous invite à “composer avec une pluralité d’existants précaires et une pluralité de mondes incomplets”15. Ce dernier point semble primordial pour ouvrir la question de la technique à nos enjeux contemporains.
Ce qu’il faut retenir de l’approche anthropologique et ethnologique est :
- la “technique” est toujours sociale;
- elle s’inscrit dans une rencontre primordiale entre un milieu et un groupe sociale possédant des connaissances techniques (matière, objets, gestes/énergie, représentation); - l’étude des techniques recompose les liens entre technique, nature et culture;
- dans le contexte de la crise environnementale, la technosphère est intrinsèquement liée à la biosphère et nous oblige à modifier la façon dont nous observons et concevons les systèmes techniques;
- les systèmes techniques s’inscrivent dans des continuités et discontinuités technologiques.
Plus que jamais, une anthropologie de l’action semble nécessaire et comme nous le rappelle justement Haudricourt : “Les rapports de l’homme avec la nature sont infiniment plus importants que la forme de son crâne ou la couleur de sa peau pour expliquer son comportement et l’histoire sociale qu’il traduit”16.
Dans l’histoire
Au fur et à mesure que l’anthropologie met à jour des continuités et des discontinuités dans l’invention des techniques, une certaine vigilance devrait naître envers les discours formulant l’idée d’une “invention individuelle, pure, idéale, une acquisition tirée du néant, du “nouveau”, supposant “une abstraction commode où le progrès nous apparaît comme une route jalonnée d’inventions”17. Or les sociétés occidentales post-industrielles ont un certain penchant pour les histoires d’inventeurs solitaires et pour un histoire du progrès qui répondrait à une logique unique. Des ouvrages comme ceux de Yuval Harari ont tendance à construire des suites logiques où une sédentarisation de chasseurs-cueilleurs conduirait forcément au développement agraire et agricole, puis à l’érection de villes, etc. Cela est fictionnel, comme l’ont démontré l’archéologie, l’histoire et l’anthropologie des techniques. L’anthropologue David Graeber et l’archéologue David Wengrow proposent notamment une critique consistante des livres d’Harari18. James C. Scott proposera dans Homo Domesticus une lecture plus profonde des premiers États en y intégrant les vingt-cinq dernières années de recherche archéologique et historique, allant à l’encontre du récit fictionnel d’Harari. On utilise généralement l’histoire des techniques, et plus récemment celle du progrès, pour transmettre une certaine vision des sociétés humaines qui coïncide avec les discours des “dominants”. Il est donc nécessaire de regarder de plus près cette histoire.
Les travaux de l’historien de techniques David Edgerton sont emblématiques d’une histoire des techniques qui se raconte par les usages des-dites techniques, plutôt que de leur invention. Une certaine histoire de l’invention technique nous amène à croire qu’une fois qu’un objet ou un système technique est “inventé”, celui-ci se présente uniformément à tous les peuples, partout sur Terre. Dans cette logique on imagine que si on “invente” l’électricité, celle-ci deviendrait disponible à l’ensemble de l’humanité et rejoindrait une “banque” de savoirs qui ne disparaîtra jamais. Or l’histoire des techniques, s’intéressant aux usages, montre des dynamiques beaucoup plus complexes que cela. Des techniques naissent et meurent dans des communautés humaines, en fonction de leur besoin et de leur milieu. Ces mêmes techniques peuvent réapparaître sous une autre forme, au sein d’une autre communauté, autre part sur Terre.
La brouette chinoise a par exemple connue une évolution singulière lors du premier millénaire, en se voyant ajouter un mât et une voile dans plusieurs régions de Chine. Ce système ayant été documenté et diffusé en Europe par les missionnaires jésuites (“Historia”, “Itinéraire du Nouveau Monde” par Mendoza, et “Itinerario” de Jan Huyghen van Linschoten), il inspirera à l’ingénieur hollandais Simon Stevin la construction de chariots à voile, testés avec succès sur les plages du nord des Pays-Bas vers 1600. Un système technique de Chine ancienne, toujours actif aujourd’hui, s’est perpétué dans une nouvelle forme, approprié aux conditions néerlandaises à des milliers de kilomètres quelques centaines d’années plus tard. Ces chariots à voile furent “les premiers à démontrer que l’on pouvait se déplacer sur terre à des vitesses encore inconnues”19.

Pour continuer la démonstration sur un thème similaire, David Edgerton utilise le véhicule électrique pour raconter l’histoire d’une technique par l’usage, et non par l’invention. Les différents enjeux environnementaux ont récemment favorisé le développement du véhicule électrique, présenté comme un exemple d’innovation ultra moderne et progressiste. L’historien rappelle pourtant que les premiers prototypes de véhicules à batterie apparaissent en 1830. Le premier véhicule électrique à succès émerge en 1890. C’est un véhicule 6 places qui roule à 30 km/h. Au début du XXème siècle, la flotte de taxis de New-York était presque entièrement composée de voitures électriques. Un décret de l’Etat de New-York de 1907 permettra d’ailleurs aux propriétaires de ces véhicules d’installer des bases de charge devant chez eux et des garages commencèrent à ouvrir la nuit pour proposer un service de charge. Au début du XXème siècle, on compte aux États-unis plus de 1 000 fabricants de voiture et presque autant de modèles répartis entre moteur thermique et électrique. Le modèle thermique bâtira son succès en creux du modèle électrique notamment grâce sa plus grande capacité d’autonomie et par l’optimisation des méthodes de production, notamment par Ford. Une citation de ce dernier est généralement citée pour soutenir le mythe du progrès et de l’inventeur génial : “Si j’avais demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils auraient répondu des chevaux plus rapides”. Cette phrase laisse penser qu’il n’y eut rien entre le véhicule à traction animale et le moteur thermique. Bien au contraire, de nombreux systèmes techniques différents furent testés aux États-Unis à cette époque. Ford put observer les caractéristiques du véhicule électrique et thermique dans le milieu américain avant de proposer son propre système technique qui alla bien au-delà du “simple” moteur thermique.

La traction électrique connut d’ailleurs un certain essor avec le développement des tramways électriques qui cohabitèrent avec les calèches à chevaux. Toutefois, après quelques dizaines d’années “fastes”, les tramways électriques vont connaître un déclin. La fin des systèmes de tramway électrique aux États-Unis ne s’explique pas seulement par une possible supériorité du moteur thermique sur l’électrique. Les sociétés de tramway électrique étaient généralement possédées par des compagnies de production électrique. Ceux-ci fournissaient un service de transport peu onéreux et propre, parfois à perte, mais qui souffrirent notamment des différentes crises qui traversèrent la vie étatsunienne dans la première moitié du XXème siècle (crise de 1929, etc.). Ce déclin fut accélérée, entre autres, par deux facteurs : 1) une loi du Sénat de 1935 interdit aux producteurs d’électricité de posséder des services de transport électrique ; 2) par une opération agressive des producteurs de pétroles et des fabricants de véhicules thermiques qui achetèrent des parts dans la plupart des systèmes de tramway et les remplacèrent par des systèmes de bus. Ces actions entérinèrent l’hégémonie du véhicule thermique dans l’imaginaire technique étatsunien et plaça le tramway comme un élément de folklore plutôt qu’un système technique efficace. Il faut retenir de cette histoire que ce ne sont pas les caractéristiques intrinsèques d’un système technique qui garantit son acceptation et son usage par un groupe social mais l’enchevêtrement des systèmes politiques, juridiques, financiers de ce dernier. Cela ne constitue pas une “dénaturation” de la technique mais rappelle plutôt sa condition primaire : toute technique est une production sociale. Renier la dimension sociale de la technique ne la fait pas disparaître, par contre elle rend la technique moins adaptée aux particularités du milieu et du groupe social.
L’historien des techniques Jean-Baptiste Fressoz montre admirablement les controverses politiques, sociales, écologiques, juridiques, scientifiques, économiques qui animent l’émergence de systèmes techniques au XIXème et XXème siècle. Il prend notamment l’exemple du développement des ateliers de soude en Normandie pour démontrer la puissance du savoir scientifique “moderne” pour imposer un système technique. Au début du XIXème siècle, la soude était obtenue par l’oxydation du varech que l’on trouvait notamment sur les plages normandes. Les pêcheurs normands avaient l’habitude de récolter le varech à un rythme et une saisonnalité précis afin de permettre la régénération du milieu et pour favoriser la reproduction de certaines espèces de poissons. Ce savoir était “intériosé” par les communautés locales, il ne relevait donc pas d’une méthode scientifique de production de preuves mais plutôt d’une connaissance du milieu développée sur plusieurs siècles. Lorsque les premiers ateliers de soude s’installèrent leurs ouvriers commencèrent à arracher le varech sans considération pour les pratiques des pêcheurs et ce scandale local amena le préfet de la région à interdire l’arrachage du varech. Toutefois l’affaire remonta au niveau de l’Etat car certains industriels et politiciens français avaient des intérêts dans cette entreprise, notamment le père de l’industrie chimique française et sénateur : Jean-Antoine Chaptal. Deux scientifiques furent alors envoyés pour étudier la reproduction du varech et déterminer l’effet de l’arrachage régulier sur celui-ci. Au travers d’un protocole d’expérience qui étudia uniquement la biologie du varech et ignora totalement son rôle dans l’écosystème local (la fameuse mise en silo des savoirs), les scientifiques dépêchés par l’Etat conclurent que l’arrachage ne nuisait pas à la reproduction de l’espèce, malgré un impact sur son cycle20. L’autorité scientifique moderne se constitua ainsi comme un outil pour diminuer, voir faire disparaître, certains savoirs et cultures techniques. Ce mécanisme avait déjà été testé largement par les empires coloniaux, un aspect fondamental qui a notamment été explicité par le livre récent de Samir Boumediene : “La colonisation du savoir : une histoire des plantes médicinales du “Nouveau Monde” (1492-1750)”. Les pouvoirs coloniaux avaient déjà plus ou moins compris que la destruction de savoirs techniques permettait aussi de faire disparaître certains pratiques sociales, religieuses et culturelles, jugées “hérétiques”21.
Dans un premier temps l’histoire des techniques nous permet de réorganiser et contester les mythes du progrès technique et de la technologie qui inondent les sociétés globalisées aujourd’hui. Dans un deuxième temps, cette nouvelle lecture de l’histoire des techniques, décentrée de la modernité et du monde occidental, nous montre à quel point celle-ci est riche et complexe. Les points importants à retenir sont les suivants :
- le mythe d’un progrès technique linéaire (la fameuse flèche du progrès) est fondamentalement fausse au regard des preuves et de faits historiques produits depuis une centaine d’années ;
- l’histoire des techniques est profondément sociale et environnementale, dans le sens où l’interaction de groupes sociaux avec leur milieu est fondamentale à l’émergence de cultures et savoirs techniques ;
- l’acceptation d’un système technique n’est pas forcément lié à une meilleure “efficacité technique”, ce qui justifierait son usage, mais à la friction entre débats politiques, spirituels, juridiques, environnementaux, économiques au sein du groupe social ;
- la production de savoirs techniques “modernes” servent autant à alimenter des cultures techniques qu’à en détruire.
Dans l’économie
La théorie économique ne s’intéresse que tardivement à la signification de la “technologie” dans la création de valeur économique. Dans un premier temps, celle-ci intégra dans son vocabulaire le terme de “progrès technologique” (technological progress) pour expliquer des gains de productivité faits à la marge. Pendant longtemps, ce que la théorie économique appelle “le progrès technologique” va rester un facteur externe au processus économique. Finalement, au cours du XXème siècle les économistes vont utiliser ce facteur pour expliquer des gains de productivité significatifs qui ne peuvent être expliqué qu’à moitié par les facteur du capital et du travail humain22. Le courant de pensée économique “institutionnaliste” mené, entre autres, par Thorstein Veblen, va commencer à définir l’innovation comme “l’utilisation de connaissances technologiques nouvellement acquises”. Il regrettera aussi que cette “innovation” soit grandement entravée par des “exigences institutionnelles qui sont imposées par d’autres impulsions que le sens du travail (workmanship)”23. Cette idée opéra un synthèse entre, d’un côté, l’idée néoclassique que moins d’état était nécessaire pour avoir des marchés plus efficients, et de l’autre côté, que l’accroissement de connaissances “technologiques” était un facteur de croissance. Le résultat de cette synthèse est l’idée que l’innovation ne devrait pas être régulée par l’Etat car cela diminuerait son impact dans la création de valeur économique. Cette idée va à l’encontre des observations de terrain et connaissances produites aujourd’hui par les anthropologues et les historiens des techniques qui exposent le lien profond unissant savoir technique et groupe social (qui peut prendre la forme d’un état). La théorie de Veblen va toutefois être reprise par un autre économiste institutionnaliste nommé Clarence Ayres qui opposera ce qu’il appelle le cérémoniel, produit par les institutions, et le technologique ou “l’instrumental”, produit par l’industrie.
Une seconde vague de pensée économique appelée “la théorie de la croissance endogène” ou “New Growth Theory” va concentrer son travail sur les effets de la “technologie”. Joseph Schumpeter va formuler dès les années 30 que la croissance économique est le résultat de la compétition entre entreprises et du développement technologique24. Dans la continuité de ce concept, il formulera l’hypothèse de la destruction créative, estimant que “les révolutions technologiques balayeraient les anciennes industries et les remplaceraient par de nouvelles dans un processus de destruction créatrice”25. L’aspect destructeur des savoirs techniques observé par les historiens est repris ici dans un tout autre contexte et dans un un tout autre but. L’idée de la destruction créative permise par le développement technologique va avoir une telle puissance sur la pensée économique que cette hypothèse dirige encore aujourd’hui une partie de la décision politique et économique. Cette destruction est jugée acceptable car elle permettrait une croissance économique future mais surtout elle désinhibe la production de connaissances “technologiques”, qui n’aurait plus à se soucier des dégâts sociaux tant que la croissance puisse être au rendez-vous. L’idée sera poussée encore plus loin par Paul Romer qui voit le “savoir technologique”26 comme un facteur de production au même titre que le capital et le travail humain. Il voit la “technologie” comme l’association de “l’information/expérience”, du “savoir” et des “idées”. Un de ses contemporains, Nathan Rosenberg, propose de voir le progrès technique comme “un type de savoirs qui permettent : 1) un volume de production plus important, ou 2) une production qualitativement supérieure à partir d’une quantité donnée de ressources”27. Dans une grandiloquence propre aux économistes, Rosenberg suggère que la “technologie” est une “forme de savoir qui a généré un certain taux de croissance économique depuis des milliers d’années. […] Si la race humaine avait été confinée à des technologies qui étaient comprises uniquement dans un sens scientifique, elle aurait quitté la scène depuis longtemps”28. Encore faut-il supposer que toutes les sociétés humaines aient été de tous temps motivées par la croissance économique imaginée par les économistes du XIXème siècle.
Cette acceptation réductionniste de la technologie et du progrès technologique se structurera dans un modèle linéaire appelé SLIM (Simplest Linear Model) qui s’imposera dans la discipline malgré les critiques évidentes sur sa simplicité. En théorie économique, on ne fait donc pas de grande différence entre “technique” et “technologie”, l’ensemble de la discipline se focalise sur le dernier terme. On peut retenir de la théorie économique que :
- la technologie est vue comme un facteur d’optimisation (donc réduction des coûts de production), et/ou comme un facteur de création de nouveaux marchés et usages ;
- la technologie est un facteur économique aussi important que le capital et le travail humain ;
- le progrès technologique est vu comme un système linéaire et cumulatif permettant la croissance économique ;
- la technologie est un principe de destruction renouvelant le système industriel.
Synthétiser la “tech”
Qu’est-ce que nous apprend cette revue superficielle des termes “technique” et “technologie” ? Premièrement, les termes ne veulent pas dire la même chose en fonction de la discipline qui en parle. “Technologie” ne veut pas dire la même chose pour un anthropologue et un économiste. Il semble aujourd’hui que la signification courante de “technologie” corresponde à la définition économique. En effet, la vague “d’innovations technologiques” promise pour les années à venir (voitures autonomes, 5G, etc.) s’articulent majoritairement autour d’une idée de création de nouveaux marchés et usages, et d’une inscription dans le mythe du progrès technologique linéaire. Il est presque cruel d’observer la réduction de la “technique” et de la “technologie” dans le prisme économique alors que celui-ci est éminemment réducteur et éloigné des faits observés sur le terrain et dans le temps. Finalement, on pourrait faire l’hypothèse que la “low-tech” est un questionnement né du trou laissé par l’incursion économique dans l’histoire, la philosophie et l’anthropologie des techniques.
“High/Low-tech”, réorganiser les concepts
L’émergence du concept de “low-tech” peut certes être expliquée en partie par l’utilisation économique du concept de “technologie” qui réduisit son sens. Cependant la crise environnementale planétaire fournit un contexte particulièrement puissant pour repenser les concepts de “technique” et de “technologie”. L’écologie politique française et allemande des années 70 intégrèrent fondamentalement ces deux termes dans leurs réflexions. En France, Ivan Illich dénonça la relation industrielle aux techniques, produisant des outils qui dominent les hommes. Il appela de ses voeux l’émergence d’une “société où l’outil moderne est au service de la personne intégrée à la collectivité, et non au service d’un corps de spécialistes. Conviviale est la société où l’homme contrôle l’outil”29. La “low-tech” se place dans le contexte contemporain des rapports du GIEC, des accords de Paris, des catastrophes économiques et industrielles, du franchissement des limites planétaires. En ce sens la “low-tech” essaye de donner sa place à des savoirs techniques, modernes ou non, dans un monde limité mais aussi à révéler, une fois de plus, les conditions matérielles de production des systèmes qui nous entourent.

En France, la “low-tech” doit son succès au travail du Low-tech Lab et de Philippe Bihouix. Le premier vise à parcourir la planète afin de documenter des savoirs techniques propres à des zones géographiques mais aussi propres à des questions de limites écologiques et de subsistance. Par son action, le Low-tech Lab essaye de sortir de la focalisation occidentale des techniques et de la technologie. Le Lab diffuse notamment des savoirs techniques, économiquement viables, pour subvenir à des besoins partagés universellement (habitat, alimentation, etc.) tout en intégrant une dimension écologique. De son côté, Bihouix articule la “low-tech” autour de “principes visant à effectivement diminuer notre prélèvement de ressources”30. Pour lui, la “low-tech” interroge les besoins et conteste la théorie macro-économique qui organise l’offre et la demande. Bihouix prône un “écologie de la demande” afin de limiter la création de besoins artificiels, pour emprunter l’expression à Razmig Keucheyan31. La corollaire de cette réflexion est de se demander si nous pouvons maintenir un certain niveau de confort avec une consommation de ressources moindre (produits et services). Si des objets et des systèmes doivent être conçus alors ils doivent être le “plus économe en ressources possible, non polluants, durables, robustes, et facilement réparables ou réutilisables, modulaires, plus faciles à recycler en fin de vie”32. Cette réorganisation de la production appelle aussi à contester la mondialisation industrielle et à réintégrer une production plus locale pour faciliter l’entretien et la réparation des objets. Finalement, les principes proposés par Bihouix s’inscrivent globalement dans une éthique de précaution : primum non nocere (d’abord de pas nuire). Cette éthique inscrit l’interrogation des besoins, la sobriété quant à l’usages des ressources et une conception durable comme une façon de ne pas nuire aux sociétés humaines et aux écosystèmes sur le long terme.
La crise environnementale est aussi un point d’appui pour la “high-tech” qui y voit la justification de ses avancées technologiques. Une sortie par le haut serait alors possible par le développement des smart city, des énergies renouvelables de pointe, de la biotechnologie, etc. Ces imaginaires s’ancrent dans un foi résolue dans le mythe du progrès technologique, solutionnant les problèmes qu’il a lui-même créé. Jeremy Rifkin, parmi d’autres, propose des imaginaires industriels et numériques qui permettraient une telle optimisation de l’utilisation des ressources que l’humanité pourrait réduire son empreinte sur Terre et ainsi éviter le pire des changements planétaires en cours. La critique est bien sûr facile car la plupart de ces imaginaires ne s’appuient pas sur les limites matérielles et écologiques de notre planète. Un grand nombre de cabinets de conseil et d’entreprises ont d’ailleurs fait de ces futurs “technologiques” hors-sol leur spécialité, comme vous pouvez le voir ci-dessous.


Il ne faudra pas croire que ces imaginaires seraient plus faibles car ils n’ont aucune vraisemblance avec les conditions environnementales actuelles, au contraire c’est leur force. Il est plus facile de déployer des imaginaires qui ne sont pas ancrés dans des contraintes matérielles, voire qui s’en absolvent. La “low-tech” déploie des imaginaires qui présupposent une connaissance de ces contraintes et donc la description des capacités d’un milieu donné. Il est bien plus difficile pour la “low-tech” de promouvoir ses imaginaires car peu de personnes ou d’institutions ont fait le travail de description pour savoir de quoi ils dépendent. C’est le point que défend Bruno Latour. Il est impossible, pour lui, de prendre de bonnes décisions politiques si l’on ne sait pas de quoi on dépend33. Or lorsque le Low-tech Lab propose un tutoriel pour faire des toilettes sèches, l’utilité de l’activité est certes de produire un dispositif technique mais surtout de réfléchir aux dépendances techniques des toilettes “modernes” (raccord aux égouts, utilisation d’eau potable, non-valorisation des excréments, entretien, traitement de l’eau). La “low-tech” est autant une activité de description des dépendances qu’une activité technique. Or pour comprendre les imaginaires de la low-tech, il faut avoir commencé ce processus de description. C’est bien là une des faiblesses de la low-tech et ce qui réduit sa diffusion.
Un autre ralentisseur se présente dans la binarité entre “high” et “low”. Vu que la “high-tech” a été liée au progrès technique, on suppose que toute autre culture technique consisterait à revenir en arrière. C’est le fameux retour à la bougie de la “low-tech”. Dans un premier temps, il faut se rappeler que “le manque à inventer est beaucoup plus fréquent que l’invention elle-même”34 et “l’inertie technique n’est pas une maladie sociale”35. Cela peut paraître étrange à entendre tant nous avons été immergé collectivement dans le mythe du progrès. Il est pourtant bon d’observer que le pic ou la pioche ont persisté dans l’outillage des sociétés les plus développées pendant quelques millénaires, sans aucune amélioration de forme. Les appareils pneumatiques à défoncer ont proposé une autre forme que très récemment. Dans un second temps, il est important de relever que les citoyens des pays les plus “avancés” sont de plus en plus pauvres techniquement au fur et à mesure que les objets et ensembles techniques se ferment à eux. Nous ne créons pas de savoirs techniques (production, réparation, entretien, etc.) sur les objets de notre quotidien comme la plupart d’entre eux ont été créé pour délivrer une commodité et ne pas révéler leur fonctionnement, comme le thermostat. Bien évidemment ces mêmes pays “produisent” des ingénieurs et des scientifiques avec des savoirs techniques fantastiques mais ceux-ci sont de moins en moins distribués. Il s’agit donc bien d’un paradoxe que les sociétés produisant des technologies de pointe soient aussi celles dont les populations s’appauvrissent techniquement, c’est-à-dire qu’elles ne sont plus intégrées dans la culture et les savoirs techniques36. Les activités relevant de savoirs techniques usuels, comme la réparation ou la maintenance, sont relégués à des corps spécialisés ou à des couches moins aisées de la population, comme les réparateurs de smartphones par exemple.

Si nous prenons en compte tous les arguments avancés précédemment alors nous pouvons raisonnablement estimer que les appellations “high-tech” et “low-tech” ont toujours été insuffisantes. Si nous souhaitons jouer le jeu d’un régime binaire nous pourrions dire que la “high-tech” signifierait “high-technology & low-technics” et que “low-tech” correspondrait à “low-technology & high-technics”. La “high-technology & low-technics” se référerait à un ensemble social et technique où sont déployés massivement des objets et dispositifs37 qui ne montrent pas leur fonctionnement mais produisent des opérations phénoménales de transformation du milieu (le “high-technology”). Le pendant de cet ensemble est l’accumulation des savoirs techniques à un nombre très restreint d’individus et l’appauvrissement technique d’une grande partie de la population qui ne développe plus de culture de la réparation, du bricolage, de l’entretien (le “low-technics”). À l’inverse, la “low-technology & high-technics” est un ensemble social et technique où des objets et dispositifs de pointe sont utilisés avec parcimonie et où la production technologique s’inscrit dans une logique de soutenabilité du milieu (le “low-technology). De l’autre côté, les objets et dispositifs ainsi conçus favorisent le développement d’une culture technique forte partagée dans le groupe social (le “high-technics”).
Un dernier point faible de la “low-tech” reste à soulever. Cette dernière vise à répondre aux besoins humains. Mais quels sont-ils ? Qu’est-ce qui priorise un besoin par rapport à un autre ? Dans quel milieu et dans quelle culture ? Une théorie des besoins humains comme la pyramide de Maslow est extrêmement réductrice et ne devrait pas être utilisée si l’on souhaite respecter la pluralité des façons de vivre sur Terre. Maslow propose une hiérarchie des besoins mais c’est une impasse conceptuelle : la base de la pyramide est le besoin de survie, pourtant le besoin d’appartenance (au sommet de la pyramide) peut prendre le pas sur la survie comme dans le cas d’un kamikaze. Une approche plus subtile et plus efficiente est à trouver du côté de Manfred Max-Neef38. Celui-ci produisit une matrice des besoins fondamentaux bien plus riche et complexe que celle de Maslow. Il ne s’aventura pas dans un classement hiérarchique et supposa qu’il y avait plusieurs façons de répondre à un besoin, par la vie sociale, culturelle, technique, spirituelle, etc. Le mouvement de la “low-tech” pourrait s’appuyer sur cette matrice pour penser les “besoins” et ainsi éviter l’impasse conceptuelle de Maslow.
ÊTRE Qualités |
AVOIR Choses |
FAIRE Actions |
INTERAGIR Paramètres |
|
---|---|---|---|---|
SUBSISTANCE | Santé physique et mentale | Nourriture, logement, travail | Se nourrir, se vêtir, se reposer, travailler | Environnement du lieu de vie, conditions sociales |
PROTECTION | Soin, adaptabilité, autonomie | Sécurité sociale, systèmes de santé, travail | Coopérer, faire des projets, prendre soin d’autrui, aider | Environnement social, logement |
AFFECTION | Respect, sens de l’humour, générosité, sensualité | Amitiés, famille, animaux de compagnie, relations avec la nature | Partager, prendre soin d’autrui, exprimer des émotions | Intimité, espaces intimes d’unité |
COMPRÉHENSION | Esprit critique, curiosité, intuition | Littérature, enseignants, politiques, éducation | Analyser, étudier, méditer, investiguer | Écoles, familles, universités, communautés |
PARTICIPATION | Réceptivité, dévouement, sens de l’humour | Responsabilités, devoirs, travail, droits | Coopérer, s’opposer, exprimer des opinions | Associations, partis, églises, relations de voisinage |
LOISIR | Imagination, tranquillité, spontanéité | Jeux, fêtes, paix intérieure | Pouvoir rêver, se souvenir, se détendre, s’amuser | Paysages, espaces d’intimité, lieux où on peut être seul |
CRÉATION | Imagination, audace, inventivité, curiosité | Aptitudes, qualifications, travail, techniques | Inventer, construire, concevoir, travailler, composer, jouer | Espaces d’expression, ateliers, publics |
IDENTITÉ | Sentiment d’appartenance, estime de soi, cohérence | Langue, religions, travail, coutumes, valeurs, normes | Apprendre à se connaître soi-même, grandir, s’engager | Lieux d’appartenance, cadre quotidien |
LIBERTÉ | Autonomie, passion, estime de soi, ouverture d’esprit | Égalité de droits | S’opposer, choisir, prendre des risques, développer une prise de conscience | N’importe où |
Si nous devons garder le terme de “low-tech” pour capitaliser sur son engouement récent, je souhaiterais alors me prêter à l’exercice, certes un peu vain, de la définition. Dans le contexte de la crise environnementale je définirais la “low-tech” comme : une démarche politique qui permet de recomposer par la “technique” son rapport à un monde contraint. La formule est certes lourde mais il me semble qu’elle décrit avec précision l’ensemble des phénomènes à l’oeuvre dans la “low-tech”.
Les cultures techniques
Nous avons parlé jusqu’à présent d’imaginaires, supposant que de nouveaux modes de vie devaient être inventés. Toutefois, il ne me semble pas qu’il faille tant imaginer que cela pour savoir à quoi ressemblent les pratiques quotidiennes de la “low-tech”39. La plupart du temps il suffit de sortir de l’ethnocentrisme forcené du progrès technologique moderne. Se réfugier tout de suite dans l’exercice d’imagination ramènerait à un biais ethnocentrique fort : puisque nos sociétés post-industrielles sont censées être les plus “avancées”, si elles n’ont pas su produire de réponses satisfaisantes au contexte actuel alors personne d’autre n’a pu le faire, et il n’y aurait donc aucun existant à observer. Pourtant, d’autres sociétés ont déjà avancé dans des chemins technologiques différents, que cela fut souhaité ou non. Alors, au lieu de proposer d’imaginer quoi que ce soit, il faudrait déjà apprendre à observer et à décrire comment des sociétés différentes vivent et produisent des cultures techniques. Il n’a pas fallu attendre que les occidentaux “inventent” la “low-tech” pour que des questions de savoirs techniques dans des milieux contraints se posent au XXème et XXIème siècle. Il y a toutefois une phénomène intéressant qui est plus ou moins partagés par l’ensemble des communautés humaines aujourd’hui : comment créons-nous des savoirs techniques avec des objets globalisés ? C’est-à-dire des objets fermés qui s’inscrivent dans des chaînes d’extraction, de transformation, de fabrication, de consommation et de mise en décharge globalisées. Les cas observés et décrits ci-dessous permettront d’ouvrir le débat sur ce point.
À Cuba
Le régime de Cuba a été mis sous embargo depuis 1962 et il s’agit aujourd’hui du plus long embargo commercial du XXème siècle. Cette situation inédite connut plusieurs évolutions mais la chute de l’allié soviétique à partir de 1989, avec lequel Cuba réalisait près de 80 % de son commerce extérieur, fit entrer Cuba dans une période difficile appelée la “Période spéciale en temps de paix”. À l’époque, Cuba absorba une chute de 35% de son PIB, une grande partie de la population fut laissée sans travail et donc sans production industrielle. Le plan de sortie de crise du gouvernement cubain se présenta sous trois phases, de 1989 à 1994, de 1994 à 2000 et de 2001 à aujourd’hui40. Parmi les actions menées par le gouvernement, nous pouvons observer la parution d’un livre nommé “El libro de la familia” (le livre de la famille). Celui-ci proposait de nombreuses manières de “détourner” des objets du quotidien, notamment il expliquait comment couper le bloc séche-linge des machines à laver standards pour en récupérer le moteur. Le moteur était ensuite réutilisé pour faire des ventilateurs, des appareils de cirage, des vélos à moteur, etc. Quelques années plus tard, le gouvernement cubain publia le résultat de ses expérimentations dans un second livre intitulé “Con nuestros propios esfuerzos” (De nos propres efforts), montrant l’inventivité technique des cubains durant cette crise sans précédent. L’artiste et designer Ernesto Oroza a documenté l’émergence et le développement de cette culture technique qu’il a appelé “technological disobedience”41 (désobéissance technologique). L’utilisation de ce terme montre bien la compréhension fine des appareils technologiques conçus pour cacher leur machinerie. Les cubains ont désobéi à cette conception et ouvert les machines, ils ont compris comment elles marchaient et ont pu créer de nombreux objets et dispositifs qui convenaient mieux à leurs besoins. Ce mélange d’ingéniosité et de travail sur les usages dans un milieu contraint démontre ce que peut-être un “langage matériel”. Toutefois cela ne doit faire oublier la gravité de la crise politique, économique et sociale qui frappa les cubains et les relations complexes avec le gouvernement révolutionnaire42.
L’exemple cubain donne à voir par accoup ce que pourrait être une société “low-tech” mais il ne faut pas se bercer d’illusions et imaginer cette situation comme enviable. L’émergence de cette culture technique fut liée à des enjeux géopolitiques majeurs (U.S.A. vs U.R.S.S.), des embargos économiques particulièrement durs, un isolement culturel, un régime autoritaire et une vie quotidienne précaire. Cependant, l’interaction entre le pouvoir politique cubain et la soudaine mise sous contrainte de toute l’île a permis le renouveau de savoirs techniques basés sur des objets industriels. À ce titre les cubains ont eu et ont toujours une culture technique beaucoup plus riche que la plupart des citoyens des pays post-industriels et globalisés.


Au Japon
Le Japon est une des sociétés humaines connues pour son engouement technologique et ses industries de pointe. La robotique, la recherche sur l’intelligence artificielle et bien d’autres technologies sont des domaines de prédilection pour les chercheurs et industriels. La culture japonaise contemporaine a d’ailleurs produit de nombreux imaginaires de technologie de pointe qui ont pris la forme de dessin-animés, mangas, films et livres. Ces productions ont d’ailleurs bercé une certaine partie de la jeunesse européenne des années 80-90, notamment en France et en Italie. Mais le Japon est aussi une île gérée par un régime conservateur qui doit “organiser” une population dense et vieillissante dans un espace limité, canaliser ses flux d’énergie, de matières et de déchets, et se rétablir des différents catastrophes industrielles qui l’ont frappée (Fukushima, etc.). Dans ce contexte particulier, le travail des artistes et musiciens japonais de “Electronicos Fantasticos!” est particulièrement saisissant. Ce groupe, centré autour de Ei Wada, transforme des appareils électroniques hors d’usage en instruments de musique. Leur premier concert, permis par le travail d’ingénieurs et de musiciens, a été donné en 2015 avec des appareils électroménagers qui étaient “hors d’usage”. “Electronicos Fantasticos!” a redirigé et développé des savoirs techniques qui leur ont permis de transformer des vieux écrans CRT en percussions, des ventilateurs en sorte de basse grâce à un capteur de lumière, de blocs d’air conditionné en harpe, et bien d’autres dispositifs. Une pièce particulièrement connue est le détournement d’une douchette de caissière pour lire les codes barres en un instrument de musique électronique.
Ce type de savoirs techniques témoigne d’une hybridation très forte entre savoirs techniques et connaissances technologiques de pointe. En effet la plupart des instruments de musique requièrent à la fois une bonne connaissance du fonctionnement interne des machines, permettant leur démontage, réparation et reconditionnement, mais aussi un certain nombre de capteurs électroniques, des connaissances en électronique et en programmation. Le projet du groupe peut être assez proche de ce que Ernesto Oroza appelle de la désobéissance technologique, à ceci près qu’elle ne met pas de côté les technologies de pointe mais les intègrent et les développent dans une autre culture technique. L’exemple japonais nous rappelle un point fondamental qui est aussi un point faible de la low-tech : une culture technique ne sert pas qu’à répondre à des besoins de première nécessité, elle doit nécessairement s’intégrer dans la vie sociale et culturelle sous ses aspects les plus festifs. C’est dans le détournement d’objets technologiques du quotidien à des fins artistiques que se créent, à mon avis, les imaginaires de la low-tech les plus puissants.
Au Ghana
Le quartier d’Agbogbloshie dans la banlieue d’Accra au Ghana est souvent désigné comme la “poubelle de l’Occident” car une partie des déchets d’équipements électriques et électroniques occidentaux sont illégalement envoyés en “décharge” là-bas. Les équipements déposés en plein air vont parfois s’abîmer ou s’oxyder et vont créer des environnements particulièrement toxiques ou instables. De plus, leur entassement augmente la pollution du milieu et exposent tous les travailleurs à d’énormes risques sur leur santé. DK Osseo-Asare et Yasmine Abbas expliquent que cet endroit et ces conditions de travail ne sont pas enviables et ne devraient pas exister, pourtant ils sont là et des communautés humaines s’organisent autour de cette situation. Le premier constat à tirer est que le terme “déchet” n’est pas du tout approprié aux équipements que l’on trouve dans cette banlieue. Il y a 10 fois plus d’or, d’argent, de platine et de palladium dans une tonne d’équipements à Agbogbloshie que dans une tonne de minerai extrait d’une mine. Pour les travailleurs locaux cet endroit n’est pas une déchetterie mais une mine urbaine (avec les risques que comportent une mine). Le deuxième constat est qu’une partie des équipements sont encore fonctionnels mais nécessitent des réparations, ce dont sont capables les travailleurs d’Agbogbloshie. Les objets sont donc démontés, remontés, détournés par les artisans locaux qui ont acquis un savoir technique de ces équipements. Par exemple, l’aluminium des radiateurs de frigo est refondu pour faire des marmites vendues au marché. Une fabrication locale a même été rendue possible par les savoirs techniques accumulés, des postes à souder “standardisés” sont conçus à partir des pièces de récupération courantes dans la mine urbaine.

DK Osseo-Asare et Yasmine Abbas ont créé un espace de fabrication mobile (makerspace) pour répondre aux besoins des travailleurs locaux et aussi pour réduire les risques liés à leur pratique. On peut notamment trouver une machine à dénuder les câbles de cuivre pour éviter que la fonte du cuivre et du plastique produise de dangereux fumerolles mais aussi pour augmenter la pureté du cuivre fondu. Le cas ghanéen nous montre que l’appauvrissement technique des sociétés occidentales mène à une définition beaucoup plus étendue du terme “déchet”, qui ne réfère plus à ce qui est inutilisable, mais à ce qui est irréparable, irrécupérable et non-détournable par rapport aux savoirs techniques d’une société donnée. La précarité économique et sanitaire des travailleurs d’Agbogbloshie reflète d’une certaine manière la pauvreté technique des sociétés qui leur envoient leurs équipements. De plus, l’apparition de nouvelles lignées d’objets standardisés à partir des matériaux usuels de la mine urbaine (postes à souder, barbecue, etc.) témoigne une fois encore d’une culture technique qui intègre des objets technologiques globalisés.
Ouvrir les mondes techniques
Il semble raisonnable d’affirmer que la binarité du high et du low est improductive. Pourtant la “low-tech” agrège des pratiques et des savoirs techniques pertinents pour décrire un monde en train de se transformer en profondeur. Alors, que faire de ce terme ? Il semble nécessaire de l’utiliser pour ce qu’il est : une porte d’entrée. Une démarche ou une philosophie “low-tech” n’est pas une fin en soi et se doit d’être transformé par la pratique et par l’intégration d’autres types de savoirs. La “low-tech” peut-être un moyen pour comprendre ce que sont des cultures techniques et comment celles-ci se construisent entre un milieu contraint et les activités d’un groupe social. Cette articulation peut probablement amener à trois réflexions :
- comprendre que les sociétés post-industrielles ont majoritairement une culture technique pauvre ;
- que les objets technologiques sont conçus pour cacher leur fonctionnement et leurs milieux d’émergence, amplifiant l’appauvrissement technique ;
- la crise environnementale planétaire est une injonction à concevoir des objets et des dispositifs pensés dans les contraintes de leur milieu, et donc à produire de nouvelles cultures techniques ;
- les savoirs techniques peuvent créer autant que détruire d’autres savoirs.
En dernier lieu, la “technologie”, vue par les économistes, et la globalisation nous ont habitué à des objets dont la “personnalité” est livrée au “consommateur”. Nous avons oublié que les objets techniques ont des “personnalités” qui sont liées à leur milieu et qui sont donc bien plus diverses que nous l’imaginons. Cela implique de redéfinir ce que “produire” veut dire car nous avons établi des systèmes de production qui correspondaient à l’idéal technologique. Qu’est-ce que “produire” des savoirs et des objets techniques pour les communautés humaines et non-humaines (comme la passe à poissons) ? Nous avons cru que nous vivions dans des sociétés hors-sol, sans contraintes matérielles, et nous avons voulu produire des objets sans milieu. Au fur et à mesure que nous décrivons de nouveau nos contraintes matérielles, nous devons refaire émerger une pluralité de savoirs et d’objets techniques propres à leurs milieux.
-
C’est-à-dire la méthode scientifique proposée à la fin du XVIIIème siècle visant à produire des connaissances scientifiques basées par des protocoles d’expérience et la reproductibilité des résultats. ↩
-
Une critique usuelle du marxisme et du socialisme. ↩
-
Gilbert Simondon, “Du mode d’existence des objets techniques”, Aubier, 1989. ↩
-
Ce terme peut être traduit grossièrement par le paradigme de l’appareil technique ou du dispositif technique. ↩
-
Robert Cresswell, “Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie”, Pierre Bonte et Michel Izard (ed.), PUF, 2016, p.698. ↩
-
Ibid., p.699. ↩
-
Pierre Lemonnier, “Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie”, Pierre Bonte et Michel Izard (ed.), PUF, 2016, p.697. ↩
-
André Leroi-Gourhan, “L’homme et la matière”, Albin Michel, 2017, p.40. ↩
-
Ibid., p86. ↩
-
Ibid. ↩
-
Carole Ferret, “Vers une anthropologie de l’action : André-Georges Haudricourt et l’efficacité technique”, L’Homme, no. 202, 2012, mis en ligne le 29 mai 2014, consulté le 28 mars 2020. ↩
-
Ibid. ↩
-
Voir sur le sujet Yuk Hui, “On Cosmotechnics: For a Renewed Relation between Technology and Nature in the Anthropocene”, Techné, no. 21, 2017 ↩
-
Matthieu Duperrex, “D’une passe à poissons. Milieux et technique en Anthropocène”, Techniques & Culture, Varia, mis en ligne le 1er juillet 2019, consulté le 27 mars 2020. ↩
-
Ibid. ↩
-
André-Georges Haudricourt, “Domestication des animaux, culture des plantes et traitement d’autrui”, L’Homme, no. 1, 1962, p.50. ↩
-
André Leroi-Gourhan, “L’homme et la matière”, Albin Michel, 2017, p.104. ↩
-
David Graeber et David Wengrow, “How to change the course of human history”, Eurozine, 2 mars 2018, consulté le 27 mars 2020. ↩
-
Jacques Gernet, “Le Monde chinois. l’Époque moderne”, Agora, 2005, p.209. ↩
-
Jean-Baptiste Fressoz, “L’Apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique”, Seuil, 2012. ↩
-
Samir Boumediene, “La colonisation du savoir: une histoire des plantes médicinales du “Nouveau Monde” (1492-1750)”, Éditions des Mondes à Faire, 2016. ↩
-
“Technological progress was seen as something that simply rained down from heaven, Studies show that, in most economies, higher inputs of labour and capital account for barely half the total growth in output this century. The huge unexplained residual was labelled ‘technological change’, but in truth, it was a measure of economists’ ignorance”. Making waves’, The Economist 340, no. 7985, 28 September 1996, p.57. ↩
-
Traduction personnelle, Thorstein Veblen, “The Instinct of Workmanship and the State of the Industrial Arts”, Transaction Publishers, 1990, p.38. ↩
-
Joseph Schumpeter, “Capitalism, Socialism and Democracy”, Harper, 1942, p.83. ↩
-
Traduction personnelle, ibid. ↩
-
“knowledge” en anglais. ↩
-
Traduction personnelle, Nathan Rosenberg, “Inside the Black Box: Technology and Economics”, Cambridge University Press, 1982, p.3. ↩
-
Traduction personnelle, ibid., p.143. ↩
-
Ivan Illich, “La convivialité”, Seuil 1973, p.13. ↩
-
Philippe Bihouix, “L’âge des low-tech. Vers une civilisation techniquement soutenable”, Seuil, 2014, p.113. ↩
-
Razmig Keucheyan, “Les besoins artificiels : comment sortir du consumérisme”, Éditions Zones, 2019. ↩
-
Philippe Bihouix, “L’âge des low-tech. Vers une civilisation techniquement soutenable”, Seuil, 2014, p.126. ↩
-
Bruno Latour, “Où atterrir. Comment s’orienter en politique”, La Découverte, 2017, p.121. ↩
-
André Leroi-Gourhan, “L’homme et la matière”, Albin Michel, 2017, p.196. ↩
-
Ibid. ↩
-
“…déstructuration sociale, appauvrissement technique…”. Robert Cresswell, “Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie”, Pierre Bonte et Michel Izard (ed.), PUF, 2016, p.700. ↩
-
Objets et dispositifs technologiques, basés sur les sciences modernes et déployés massivement. ↩
-
Manfred Max-Neef, “Human Needs and Human-scale Development”, Apex Press, 1991. ↩
-
Les sociétés post-industrielles ont toutefois besoin d’imaginer d’autres façons de vivre, moins prédatrices et moins excluantes. ↩
-
José Bell Lara et Richard A. Dello Bueno, “Cuba in the 21st Century: Realities and Perspectives”, Editorial José Marti, 2005, p.68. ↩
-
Pénélope de Bozzi et Ernesto Oroza, “Objets réinventés : La Création populaire à Cuba”, Alternatives, 2002. ↩
-
Janice Argaillot, “La Période spéciale en temps de paix”, Diacronie, no. 13, 2013, 1er avril 2014, consulté le 29 mars 2020. ↩