Modèle économique 2020/2021
- Gauthier Roussilhe
Une année mouvementée se termine et j’ai pu enfin faire le point sur un exercice comptable qui s’est étendu d’avril 2020 à fin mars 2021. Mon éthique de travail et mon approche n’ont pas grandement changé depuis l’année dernière et je renvoie le nouveau lecteur vers l’article de l’année passée pour mieux comprendre mon positionnement. Néanmoins, je change de modèle à partir de mars 2021 et je prendrai plus de temps pour expliquer ma décision dans la dernière partie de cet article.
Faire avec
Comme tout le monde j’ai du composé avec la situation imposée par la crise sanitaire mondiale. Cela m’a néanmoins permis de voir l’adaptabilité de mon modèle face à cet évènement hors du commun. L’arrêt subite d’une partie des activités mondiales m’a touchée dans une moindre mesure mais est bien visible dans mes rentrées d’argent. Je n’ai quasiment pas eu d’entrées de d’avril à octobre, cela est en partie du à des mises en pause de projets, délais de paiement, etc. Cependant j’ai pu absorbé facilement le choc pour deux raisons : en plus de mes réserves personnelles j’avais 5000€ de côté lié au résultat de l’année précédente ; et mes dépenses mensuelles ont largement baissé durant les périodes de confinement et de couvre-feu. Durant la premier couvre-feu je n’ai dépensé “que” 1031€ sur l’ensemble du mois de mai, tout compris. Cela n’a pas été voulu ou subi mais j’ai juste suivi le cours des choses et mes dépenses ont évolué de fait.
Cette période de creux n’était pas inquiétante car je programmais déjà mes prochains projets pour l’année et j’avais donc de la visibilité pour le reste de l’exercice. Tous les paiements se sont activés dès novembre pour dégager encore un surplus de plus de 5000€ cette année. Au final, si mes rentrées d’argent ont baissé de 13% par rapport à l’année dernière, mes dépenses (perso/pro/doctorat) ont baissé de 15% par rapport à 2019/2020. Mes activités se sont juste adaptées au niveau de l’eau.
L’exercice de l’année dernière avait été porté par un contrat principal donc je souhaitais que cette année je puisse varier mes appuis. Cela est réussi car mes principales rentrées d’argent viennent de projets clients divers, de projets que j’ai initié et dont j’ai trouvé les financements et d’interventions pédagogiques. Cette année j’ai aussi refusé quelques projets et j’en ai transféré d’autres à des collègues car je n’avais pas la capacité ou les compétences pour les prendre. De même, comme l’année dernière, je n’ai jamais prospecté ou démarché donc je peux maintenant considérer que mon activité est “autoportante” dans la niche dans laquelle j’opère.
Modèles (non-)économiques
Cette année je n’ai pas forcé mon modèle précédent qui consistait à ne pas vendre de temps. Je n’ai pas pu le relancer car je n’ai pas pu le contractualiser dans un projet majoritaire. J’ai du m’adapter aux différentes obligations de mes lieux d’interventions : chaque école vient avec un modèle de rémunération fixe dans lequel il faut se fondre, de même pour certains organismes publiques comme l’ADEME. Officiellement, je vends du temps même si intérieurement mon approche est assez différente de ce qu’on attend de ce genre de prestation. Je crois que je me suis décollé pour de bon de la mentalité de la vente de temps, c’est aussi intéressant que problématique parfois car mon rapport à la productivité (au sens managériale) est en train d’évoluer.
Face aux différentes visualisations présentées plus haut, il est intéressant de prendre un recul critique. Le camembert représentant mes rentrées d’argent ne montre finalement que les activités pour lesquelles j’ai reçu un rémunération. Toutefois, j’estime qu’au moins la moitié de mes activités se situent hors de la sphère marchande donc hors de ce camembert. Sur mon temps actif hebdomadaire il me semble en passer plus de la moitié à répondre à des emails d’étudiants, de consoeurs ou confrères, lire des articles, répondre à des entretiens sollicités par des groupes d’étudiants, des administrations ou des organisations privées, participer à la relecture de documents normatifs, assister à des consultations ou des ateliers pour certaines administrations, écrire mes rapports et bien sûr, travailler sur mon doctorat.
Il ne s’agit pas de dire que toutes ces activités sont sans valeur intrinsèque, bien au contraire, mais ont-elles des valeurs économiques indirectes ? Certaines non : je reçois en moyenne chaque semaine une demande d’entretien avec des étudiants (mémoire, etc..) que j’honore généralement. Certaines oui : je participe parfois à des réunions de travail auprès de certaines administrations qui me permettent d’analyser comment les positions de plusieurs acteurs sont en train d’évoluer et ainsi d’anticiper les changements à venir (évolution législative, normative, industrielle, etc.). Néanmoins, ce constat pose une question en creux, on parle souvent de modèle économique mais en fait une bonne partie de nos activités sont situées hors de la sphère marchande. Quel serait alors mon modèle non-économique ? Est-ce qu’il correspondrait juste à ce qui n’est pas compris dans mon modèle économique ? Cela semblerait une réduction trop violente, il me semble nécessaire à terme de mieux décrire mon modèle non-économique pour mieux le définir et surtout mieux le placer à côté de mon modèle économique. Je souhaite creuser cette question pour être force de proposition l’année prochaine.
Nouveau modèle
Mes dépenses étant maitrisées et mon activité “autoportante” j’ai décidé de quitter le statut d’autoentrepreneur. C’est un statut qui a l’unique vertu d’être transitoire mais qui porte en lieu des mécanismes de précarité : on paye peu de taxes sur le chiffre d’affaires mais la couverture sociale est minimale ainsi que la cotisation pour la retraite. On gagne à court-terme pour perdre à long-terme afin de “flexibiliser” la main d’oeuvre pour divers types d’entreprises. Je cherchais un nouveau statut d’indépendant mais avec une meilleure couverture et avec la récupération de la TVA, j’ai finalement opté pour une SASU (Société à Actions Simplifiée Unipersonnelle). À partir de comparaison, je visais avant un chiffre d’affaires à 30 000€ et une rémunération avant impôt sur le revenu à 1 800€. Maintenant je dois rentrer aux alentours de 56 000 € HT (avec 10 000€ de frais de fonctionnement) pour sortir un salaire avant impôt sur le revenu de 2 000€. Ce qui explique la différence ? Je cotise enfin à juste valeur sur les prestations sociales et j’augmente aussi mes frais professionnels (comptable, etc.). En bref, je ne regrette pas mon choix jusqu’à présent et je suis confiant que je peux arriver aux alentours de mon objectif sans trop de difficulté.
L’année à venir sera probablement marqué par deux grands projets, un pour l’ADEME et un projet que j’ai porté avec Timothée Goguely et dont nous espérons des financements plus ou moins importants. En attendant je dois aussi travailler sur mon doctorat car je suis officiellement inscrit depuis février (bien que j’ai officieusement commencé ma recherche il y a 1 an et demi). Ce rapport annuel est plutôt modeste car j’ai plus de projets en cours mais j’apprécie le fait que ce rapport ne soit pas un format fixe mais un objet qui s’adapte à ma situation. Ainsi se termine la comptabilité de cette année, je vous souhaite un bel été à toutes et à tous.