Explications sur l’empreinte environnementale du secteur numérique
- Gauthier Roussilhe
L’empreinte environnementale du secteur numérique fait toujours l’objet de nombreux débats en France et en Europe. Du fait du manque de connaissances en sciences environnementales appliquées au secteur numérique, de nombreuses choses sont publiées et répétées sans être confrontées aux recherches récentes et vérifiées. À ce titre, j’ai regroupé les questions courantes qui parcourent le débat public pour y répondre de façon courte. Pour chaque question je propose aussi une réponse longue, argumentée et basée sur les connaissances scientifiques vérifiées les plus récentes. J’essaierai de mettre cette page à jour 2 fois par an.
D’un point de vue environnemental, qu’est-ce que le secteur numérique ?
Le secteur numérique est l’addition des centres de données, des réseaux de transmission et des équipements utilisateur (professionnel comme grand public). Les équipements liés au divertissement et aux média (Entertainment & Media) comme les téléviseurs et les consoles sont aussi normalement ajoutés. Les études environnementales s’intéressent pour l’instant aux impacts liés à la fabrication et l’usage de ce large périmètre sans pouvoir tout intégrer. Par exemple, il est très difficile d’intégrer les impacts environnementaux de la fin de vie, certains facteurs (empreinte matérielle, etc.), certains équipements (satellites, etc.) ou certains nouveaux usages (IoT, Blockchain, etc.).
Réponse longue
Dans les études environnementales, le secteur numérique est découpé en trois pôles : les centres de données, les réseaux de télécommunication et les équipements utilisateurs. Cette découpe fait aujourd’hui consensus dans la communauté scientifique et répond aussi aux objectifs de modélisation de normes internationales pour étudier le cycle de vie d’un système, d’un service ou d’un produit. Ces normes sont l’ISO 14040 et 140441 et spécifiquement la norme ITU L.14102 (ETSI 203 199) élaborée en partie par les industriels du secteur (Ericsson, Nokia, Huawei, …).
Ces trois pôles représentent aussi un ensemble d’équipements. Si le périmètre pour les centres de données et les réseaux de télécommunication est plutôt stable, l’inclusion des équipements utilisateurs varie d’une étude à l’autre. On sait modéliser les téléphones fixes et portables, les smartphones, les modems grand public (CPE), les tablettes, les ordinateurs portables et fixes et les écrans. Il y a ensuite une plus grande variabilité de prise en compte sur les périphériques d’ordinateur, les projecteurs, les écrans publics, les caméras de surveillance, les terminaux de paiement, les « wearables », les compteurs « intelligents ». Certaines études séparent ces équipements de ceux dédiés aux loisirs (Entertainement and Media, E&M) : télévisions, box vidéo, lecteurs vidéo et audio (DVD, etc.), systèmes son, casques audio, appareils photo, consoles de jeu fixes ou portables, etc. Il y est donc toujours important de vérifier les périmètres de chaque étude (cette séparation des équipements entre ICT et E&M est liée à la façon dont l’OCDE découpe les secteurs et est défendue par Jens Malmodin).
La prise en compte des objets connectés est particulièrement difficile car il est compliqué d’obtenir un décompte consistant et il y a aussi une grande différence d’impacts entre les capteurs industriels et les objets connectés grand public (enceinte connectée, sonnette, etc.). De même, aucune étude ne prend en compte les impacts liés aux satellites. Même si seulement 1% du trafic mondial passe par les satellites, leur impact peut être important à cause de la fabrication et de la phase de lancement. Il n’y a donc aucune donnée publique intégrée sur les anciens acteurs comme sur les nouveaux (Starlink ou Oneweb).
Certains usages récents ne sont généralement pas pris en compte directement dans les estimations globales comme les applications blockchain (cryptomonnaies, smart contracts, etc.), l’entraînement de programmes « intelligents » (deep learning, machine learning) ou les nouveaux usages de la vidéo (VR/AR, cloud gaming, etc.). Prendre en compte tout cela veut dire comptabiliser la fabrication, le transport et la fin de vie d’équipements dédiés, en plus de leur impact durant leur usage.
Finalement, il faut faire preuve de subtilité sur ce qu’on nomme le « numérique ». Il semble inadapté de prendre ensemble les systèmes des GAFAMs, les systèmes numériques de recherche, les usages courants, les réseaux autonomes d’entreprises, Wikipédia, les databrokers et acteurs de la publicité en ligne, etc. Il y a donc une différence méthodologique entre le « numérique » comme désignation d’infrastructures extrêmement hétérogènes avec des modèles de développement fondamentalement différents et le « numérique » comme désignation d’un processus de numérisation des activités humaines et des usages courants d’une partie de la population mondiale. Les problématiques environnementales du « numérique » s’adressent en fait principalement à certains systèmes très étendus (GAFAMs, publicité, fabricants, etc.) et questionne aussi le bilan environnemental net du processus de la « numérisation » croissante des activités humaines –auxquelles devraient s’ajouter bien d’autres considérations.
Pourquoi réfléchir à l’empreinte environnementale du secteur numérique ?
Parce que le secteur numérique doit trouver sa place face à la réduction rapide et massive des émissions de gaz à effet de serre (GES) définie par l’accord de Paris et les COPs. Parce que le secteur numérique dépend de nombreux autres secteurs qui vont devoir se transformer rapidement et affecter les structures matérielles mondiales (énergie, extraction minière, logistique, etc.). Parce que la crise environnementale augmente les risques qui pèsent sur de nombreux maillons des chaînes d’extraction, d’approvisionnement et de fabrication du secteur.
Réponse longue
La crise environnementale inclut à la fois le réchauffement climatique, l’acidification des océans, l’effondrement de la biodiversité et bien d’autres facteurs. C’est en réponse à cette crise que nous créons avec plus ou moins de succès des nouvelles politiques de transition écologique et énergétique. L’accord de Paris est un cadre légal qui répond directement au facteur de réchauffement climatique et inscrit l’objectif de stabilisation de la température moyenne globale à +2°C à la fin du siècle. L’atteinte de cet objectif implique une réduction drastique et rapide des émissions pour les pays les plus développés et une stabilisation pour ceux en voie de développement, comme l’Inde par exemple. Cela veut dire que la façon dont nous structurons et développons tous les secteurs d’activité sur Terre va devoir radicalement changer, quelque soit leur forme aujourd’hui. Voici la première raison pour laquelle nous nous intéressons à l’empreinte environnementale du secteur numérique : quelle que soit son empreinte aujourd’hui, comme tous les autres secteurs, il va devoir trouver sa place dans un monde soutenable.
Le deuxième point est lié au fait que le secteur sera affecté par les nombreuses transformations de notre planète et de nos sociétés. En premier lieu, des transformations géophysiques, climatiques et biologiques sont à l’œuvre aujourd’hui et pour les dizaines, voire centaines d’années à venir. Le secteur numérique a mis 30 à 40 ans à créer un réseau global très complexe –et très interdépendant– d’extraction, de fabrication, de logistique, etc. Ces processus de globalisation se sont structurés autour d’une relative stabilité climatique afin d’extraire des ressources, de les transformer, de les transporter et de fabriquer des produits. À quel point ces chaînes mondiales seront affectées par l’intensification des évènements climatiques extrêmes, le changement de certains motifs climatiques, l’augmentation des risques environnementaux sur les zones d’extraction3 et de production ?
Au-delà des transformations nommées ci-dessus, il faut aussi considérer les transformations sociales, culturelles et politiques qui y seront liées. Par exemple, un des principaux facteurs qui pourrait freiner l’extraction minière est la contestation par les communautés locales. Cette résistance augmente et en réponse le secteur minier devient le secteur comptabilisant le plus grand nombre d’assassinats de défenseurs environnementaux4. En somme, est-ce que la crise environnementale rend moins acceptable les dégâts créés par l’extraction minière et les secteurs qui en dépendent, dont le secteur numérique ? Les pollutions liées à la high-tech sont loin d’être nouvelles. La Silicon Valley a été profondément polluée par l’industrie électronique créant des zones toxiques (superfund sites) et des « villages de cancer »5, et il en va de même à Taïwan6 et dans bien d’autres endroits sur Terre. Combien de temps ces dégâts seront encore acceptés avant que le socle matériel du secteur numérique en soit affecté ? Ceci n’est toutefois qu’un aspect de la question, on pourrait aussi se demander comment les politiques de transition vont transformer le secteur, ou encore comment une guerre entre blocs de puissance affecte les chaînes mondiales.
Même sans parler de son empreinte environnementale, si le secteur numérique n’intègre pas l’augmentation des risques et la nécessité de sa transformation, alors il ne fera qu’amplifier sa propre fragilité. En intégrant la question de l’impact environnemental du secteur alors nous devenons capable d’envisager sa trajectoire propre et de l’ajouter à l’effort global de transition lancé par les autres secteurs, là-aussi avec un succès proportionnel à la volonté et aux moyens engagés. De plus, comprendre l’impact environnemental du secteur numérique remet en question les modèles de développement qui le sous-tendent. Par exemple, le modèle de consommation rapide de smartphones (qui plus est, de moins en moins réparables) et les cycles annuels de sortie de nouveaux produits (1,36 milliard de smartphones livrés en 20197) sont a priori difficilement compatibles avec les politiques de transition écologique. C’est pour toutes ces raisons que l’on s’intéresse à l’empreinte environnementale du secteur numérique.
Quelle est l’estimation de l’empreinte carbone du secteur numérique aujourd’hui ?
D’après le travail de synthèse et d’ajustement des différentes estimations, par Charlotte Freitag et al. de l’université de Lancaster, l’empreinte carbone du secteur numérique représenterait 2,1 et 3,9% des émissions mondiales en 2020. L’incertitude est liée à la difficulté d’obtenir des données des industriels du secteur et par l’opacité des chaînes de fabrication. Ainsi, il est plus rigoureux de fournir une fourchette.
Réponse longue
L’empreinte environnementale est un terme qui implique généralement plus qu’un facteur. Il s’agirait de faire rentrer au minimum la consommation d’énergie, la consommation de ressources, la consommation d’eau et les émissions de gaz à effet de serre pour dessiner les contours de cette empreinte. Aujourd’hui les principales études que nous avons se focalisent sur les émissions de gaz à effet de serre et une consommation d’électricité (incluant parfois une partie de la fabrication), donc au mieux nous avons des estimations d’empreinte carbone.
Il est parfois dit que l’empreinte carbone du secteur numérique serait de 4% ou encore de 1,4% dans un autre type de littérature. Pourquoi une telle variabilité ? Les estimations globales viennent de 3 à 4 études : Andrae & Edler (2015)8, Belkhir & Elmeligi (2018)9, Malmodin & Lundén (2018)10, Andrae (2020)11. L’étude de 2015 d’Andrae et Edler, chercheurs chez Huawei, a été la première à être publiée avec des données et un modèle ouvert, de ce fait, elle a été largement reprise par le reste de la communauté. Toutefois, cette ouverture s’est payée par l’usage de données accessibles publiquement et donc plutôt vieilles. Les résultats d’Andrae & Elder sont donc largement surestimés dans le scénario pessimiste. Andrae corrigera ses estimations en 2020 et ce sont celles-ci qui doivent être prises en compte maintenant, non pas celles de 2015. Belkhir & Elmeligi ont aussi utilisé des données ouvertes et par défaut vieilles, entraînant une surestimation de l’empreinte carbone notamment sur les centres de données. Finalement, Malmodin & Lundén, respectivement chercheurs chez Ericsson et Telia, ont publié une estimation se basant en partie sur des données primaires (issues de mesures directes) grâce à un partenariat avec d’autres grandes entreprises du secteur numérique. Néanmoins, ces données sont sous accord de confidentialité et ne sont pas accessibles. De plus, Malmodin opère une scission dans ses résultats entre ICT et E&M, il faut donc additionner une partie de ces empreintes pour avoir une estimation cohérente avec le périmètre des autres études. Théoriquement, l’étude de Malmodin & Lundén sera celle de meilleure qualité car utilise en partie des données récentes et issues de mesures directes. En pratique, les résultats ne peuvent pas être répliqués car une partie des données ne sont pas disponibles.
Lorsqu’on dit que le secteur numérique représente 4% des émissions globales de GES, on utilise les estimations d’Andrae & Edler 2015. Lorsqu’on dit que le secteur numérique représente 1,4% des émissions globales de GES, on utilise les estimations de Malmodin & Lundén 2018 qui excluent toute la partie E&M, avec cette part les émissions du secteur seraient plutôt de l’ordre de 2,1%.
Une équipe de chercheurs de l’université de Lancaster menée par Charlotte Freitag, s’est essayée à un exercice de normalisation des résultats de toutes ces études. Le plus gros travail est d’harmoniser les périmètres de chaque étude. Par exemple, Andrae compte dans l’ICT les télévisions, Malmodin sépare les télévisions dans l’E&M. Malmodin inclut les téléphones fixes ou encore l’IoT mais pas Andrae 2015 et Belkhir. Ensuite il faut aussi harmoniser les données de référence, notamment sur la partie de fabrication des équipements. L’équipe de Freitag s’est basée sur un outil interne pour réaligner les données de chaînes d’approvisionnement et établir que la fabrication représente 30% de l’empreinte du secteur numérique. En conclusion, ils estiment, après harmonisation que l’empreinte carbone du secteur numérique en 2020 serait entre 2,1 et 3,9% des émissions globales12. Au vu du niveau d’incertitude, il paraît méthodologiquement plus cohérent d’utiliser une fourchette plutôt qu’une valeur fixe.
Pourquoi autant d’incertitudes ? Parce que les données les plus récentes et les plus réalistes ne sont pas publiques. Elles restent chez les équipementiers et industriels protégées par un sceau de confidentialité pour des raisons de concurrence, de secret industriel ou parfois parce qu’elles ne sont pas favorables. Même les données primaires de l’étude de Malmodin & Lundén sont soumises inversement à ce biais : ceux qui fournissent leurs données sous confidentialité sont ceux qui sont déjà engagés dans des politiques de réduction des impacts. De même, toute une partie des données d’extraction et de fabrication n’existe pas ou ne sont pas assez consistantes pour être utilisées. La complexification des produits numériques augmente la complexité et l’opacité des chaînes d’approvisionnement (50 métaux pour un smartphone!). Apple a plus de 250 sous-traitants qui eux-mêmes ont des dizaines ou des centaines de sous-traitants et ainsi de suite. Tout chercheur qui s’est intéressé à l’empreinte environnementale du secteur numérique est toujours arrivé à la même conclusion : il n’y pas (suffisamment) de données. Ironiquement, le secteur qui tire sa valeur de l’extraction des données n’en diffuse pas sur sa propre empreinte environnementale.
Il faut aujourd’hui choisir entre des modèles imparfaits (donc perfectibles) avec des données ouvertes ou des modèles supposément meilleurs mais avec des données fermées et des résultats non réplicables. L’enjeu prioritaire est l’ouverture des données donc j’ai tendance à privilégier des modèles ouverts qui peuvent être améliorés –tout en maintenant des résultats qui respectent le niveau d’incertitude (des fourchettes), plutôt que de croire le résultat de modèles fermés sur la bonne foi des auteurs. Les connaissances scientifiques se construisent sur l’ouverture, la réplicabilité et la confrontation des résultats.
Comment projeter l’empreinte future du secteur ?
On ne fait pas de projections à plus de 10 ans car il y a trop de facteurs incertains dans l’évolution du secteur numérique et des technologies associées. Andrae estime que l’empreinte continuera à augmenter doucement (1 269 MtCO2e d’ici 2030) tandis que Malmodin projette une diminution de moitié de l’empreinte d’ici 2030. Il y a beaucoup de facteurs qui peuvent affecter l’évolution de l’empreinte donc la projection est un exercice périlleux. Dans tous les cas, malgré la numérisation croissante depuis 20 ans, les grandes tendances environnementales (augmentation des GES, consommation d’énergie, empreinte matérielle) ont continué à la hausse.
Réponse longue
Il est convenu de ne jamais projeter à plus de dix ans dans les scénarios de transition bas-carbone car il y a trop d’incertitudes sur, entre autres, l’évolution des conditions climatiques ou sur l’évolution du prix des technologies bas-carbone. Il en va de même avec le secteur numérique dont l’évolution est difficilement prévisible autant sur les équipements à venir que sur l’efficacité future de ceux-ci, ou encore sur l’émergence de nouveaux usages aujourd’hui inconnus. Ainsi, Andrae et Malmodin projettent leurs estimations jusqu’à 2030 maximum. Pour une raison inconnue, Belkhir projette ses résultats jusqu’en 2040 mais l’incertitude, tant au niveau climatique que technologique dans vingt ans, disqualifie d’emblée cette estimation.
Cette incertitude amène à un deuxième point méthodologique : il est extrêmement risqué de projeter l’évolution du secteur à partir des données historiques. Comme dit précédemment, les équipements et services numériques gagnent rapidement en efficacité pour l’instant donc on ne peut pas estimer que leur empreinte passée évoluera de façon constante. Cela va dans deux sens : la consommation électrique relative (kWh ou J / par opération) d’un équipement a tendance à diminuer dans le temps et ne reste pas constante dans le temps. À l’opposé, des équipements plus complexes ou plus performants peuvent amener à une augmentation de l’empreinte matérielle (impacts à la fabrication). Il y a bien sûr tous les nouveaux usages qui ne sont pas encore bien modélisés d’un point de vue environnemental : IA, machine learning, IoT, blockchain, VR/AR, cloud gaming (Google Stadia, etc), métavers, etc.
Andrae estime que le secteur numérique représentera 1500 à 3200 Twh de consommation électrique et 1269 MtCO2e d’émissions d’ici 203013. Malmodin n’a pas encore présenté de nouvelles publications mais lors d’un séminaire doctoral à Louvain il a estimé que l’empreinte carbone du secteur numérique pourrait diminuer de moitié d’ici 2030. Ces différences s’expliquent par des hypothèses futures différentes : Andrae estime que les gains d’efficacité, même constant de 20%, ne compenseront pas l’apparition de nouveaux usages et équipements à durée vie faible. Malmodin estime que la mutualisation des équipements et les gains d’efficacité compenseront largement l’évolution à venir. Peut-être que l’on peut considérer Malmodin comme le scénario le plus optimiste et Andrae comme un scénario plutôt pessimiste, il est encore bien trop tôt pour se prononcer.
L’équipe de Lancaster de Charlotte Freitag a résumé les différentes hypothèses dans la littérature scientifique qui pourront faire varier l’empreinte environnementale du secteur14 dans les années à venir et que je complète ici :
- les gains d’efficacité continuent de manière constante ;
- les énergies renouvelables remplacent de plus en plus les les énergies fossiles dans le mix des grandes entreprises du secteur numérique ;
- le ralentissement des gains d’efficacité réduisent la croissance du secteur et donc la croissance de ses émissions ;
- les effets d’activation de la numérisation (enablement effect) réduisent les émissions globales des autres secteurs ;
- la mutualisation croissante de l’infrastructure IT (hyperscale, etc.) ;
- la saturation du marché en termes d’équipements et de services ;
- la réduction du poids des nouveaux équipements.
Parmi les hypothèses qui envisagent les tendances négatives du secteur numérique :
- l’augmentation exponentielle des données augmentent la consommation d’énergie des réseaux et des centres de données malgré les gains d’efficacité ;
- l’apparition de nouveaux services très intenses en équipement (IoT) et en données (cloud gaming, etc.) ;
- les gains d’efficacité ralentissent ;
- les effets rebond contre-balancent les gains d’efficacité au niveau global;
- les gains d’efficacité permis par la numérisation favorisent le développement du secteur et donc de son empreinte ;
- les gains d’efficacité permis par la numérisation augmentent l’activité économique des autres secteurs et donc leur empreinte environnementale ;
- l’augmentation de l’intensité matérielle des nouveaux équipements.
Cette liste est embryonnaire car il y a bien d’autres facteurs à relever mais cela fera l’objet d’un autre article. Toutefois, cette première ébauche a le mérite de montrer la complexité de la projection future.
Est-ce qu’on peut comparer les émissions du secteur numérique au secteur aérien ?
La façon dont on comptabilise les émissions dans les deux secteurs sont différentes, les périmètres de calcul ne sont pas les mêmes et les deux secteurs ne répondent pas aux mêmes usages donc il y a peu d’intérêt à comparer les deux. La comparaison a été utilisée pour communiquer que le secteur numérique a des conséquences matérielles et climatiques comme un secteur très visible, celui de l’aviation. Une fois que la matérialité du secteur numérique sera rentrée dans l’inconscient collectif il sera judicieux d’abandonner la métaphore.
Réponse longue
Il est toujours difficile de comparer deux secteurs qui ne fournissent pas les mêmes services, mais l’usage croissant de l’indicateur carbone pousse parfois à la comparaison. Toutefois, est-ce que les émissions carbone ou de gaz à effet de serre sont calculées sur le même périmètre dans ces deux secteurs ?
D’après les publications de référence, l’aviation (domestique et internationale, commerciale et fret) représentait 1,9% des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2016, 2,5% des émissions de carbone en 2018, et 3,5% du forçage radiatif la même année15. En valeur absolue les émissions carbone de l’aviation représentait à peu plus de 1 GtCO2 en 2018. Il ne semble pas que ces estimations comprennent les impacts de la phase de fabrication des appareils. Il apparaît que les études comptabilisent « juste » la consommation de carburant, les émissions de gaz à effet de serre qui y sont liées et les traînées de condensation.
En termes d’usage, il semblerait que 11% de la population mondiale ait pris l’avion en 2018 dont 4% pour des trajets internationaux. Il semblerait que les voyageurs fréquents, 1% de la population mondiale, représente 50% des émissions du secteur16. Il est aussi facile de définir le périmètre d’usage d’un transport aérien tant le parcours est segmenté (aller à l’aéroport, prendre l’avion, sortir de l’aéroport).
L’empreinte carbone du secteur numérique comptabilise la phase de fabrication et d’usage dans son calcul. Elle peut aussi être exprimée en équivalent gaz à effet de serre mais, contrairement à la recherche sur le secteur de l’aviation, on modélise beaucoup moins bien les émissions de gaz comme les oxydes d’azote (NOx). De même, le secteur numérique n’a pas de données sur le forçage radiatif lié à ses activités.
En termes d’utilisation, le secteur numérique compte plus de 4 milliards d’utilisateurs avec des usages très différents en fonction de leur environnement numérique de référence et de l’infrastructure/usages liés. Certains utilisateurs ont des usages beaucoup plus intenses (temps passé, volume de données, puissance de calcul, etc.) que d’autres (impermanence du réseau, données payantes, etc.). Contrairement au transport aérien, il est beaucoup plus compliqué de fixer le périmètre des services numériques et de la numérisation.
Les deux secteurs ont toutefois la particularité d’avoir énormément gagné en efficacité durant les vingt dernières années (kWh/Go ou. L/Km). Il est important de noter que ces gains d’efficacité n’ont pas permis de réduire leur empreinte à cause de la hausse de leurs usagers.
Il est généralement compris que le secteur aérien est un émetteur important de GES donc on utilise la comparaison avec ce secteur pour montrer que le secteur numérique a aussi un impact bien réel. Au-delà de l’exercice de communication, il n’y a pas grand-chose de comparable entre l’aviation et le secteur numérique. Dans tous les cas, tous les secteurs doivent réduire rapidement et au maximum leurs émissions.
Quels sont et seront les impacts environnementaux les plus à surveiller ?
Les émissions de gaz à effet de serre des géants numériques peuvent baisser grâce à un investissement massif dans les énergies renouvelables. Tous les acteurs du secteur ne peuvent pas faire la même chose et ils utiliseront de la compensation carbone pour réduire comptablement leurs émissions. Ainsi les émissions carbone peuvent être comptablement sous contrôle. Il est clair qu’un transfert massif des impacts environnementaux est en train de se faire de la phase d’usage (consommation d’électricité et émissions liées) vers la phase de fabrication (qui sort généralement de la responsabilité des entreprises de service). C’est-à-dire que la réduction des émissions de GES liées à la consommation d’électricité se fait au prix de l’augmentation de la consommation de matières, d’énergie et d’eau durant la fabrication des équipements. À court terme, l’empreinte matérielle et l’empreinte eau du secteur numérique seront bien plus à surveiller autant au niveau global que territorial.
Réponse longue
Le carbone est au centre de la plupart des discussions sur la transition énergétique et écologique, le secteur numérique ne fait pas exception à la règle. À terme, il y a des chances que l’empreinte carbone de certains acteurs du secteur numérique réduise rapidement pour plusieurs raisons : les géants (Google, Apple, Amazon, Facebook, Microsoft) financent à marche forcée des parcs entiers d’énergies renouvelables pour alimenter leurs bureaux et infrastructures. D’autres grandes entreprises du secteur dont les activités se basent principalement sur la consommation d’électricité seront aussi en capacité d’intégrer massivement des énergies bas-carbone. De même, ces mêmes organisations vont acheter massivement de la compensation carbone pour réduire comptablement leurs émissions incompressibles. En somme, les grandes entreprises des services numériques vont être capables de réduire leur empreinte carbone durant la phase d’usage de leurs services (consommation d’électricité et émissions liées) parfois de façon physique, parfois de façon comptable.
Si cette réduction des émissions carbone (liées à la consommation d’électricité durant la phase d’usage) est possible pour ces acteurs aux capitaux quasiment illimités, cela ne veut pas dire que le raisonnement fonctionne pour d’autres acteurs du secteur. Pour les entreprises liées à la fabrication d’équipements, la transition serait beaucoup plus dure et reposerait beaucoup plus sur la compensation carbone (la réduction comptable plutôt que la réduction physique des émissions). Paradoxalement, plus les entreprises de services réduisent leur empreinte carbone durant la phase d’usage plus la part relative de la fabrication sera importante. De même, on ne parle ici que d’un seul facteur environnemental parmi de nombreux autres.
Après quatre années d’expérience sur le sujet, j’ai appris à ne pas réfléchir uniquement d’un point de vue global. L’empreinte territoriale est extrêmement importante et son étude révèle beaucoup de points invisibles au niveau global. Par exemple, la monopolisation des nouvelles capacités d’énergies renouvelables par le secteur numérique (dont la consommation électrique est croissante) dans un territoire empêche d’autres secteurs d’y avoir accès –comme en Irlande où les centres de données représentent 11% de la consommation électrique du pays et met le réseau national d’électricité en tension. De ce point de vue, l’analyse territoriale montre un jeu à somme nulle : le verdissement des acteurs numériques se fait aux dépens d’autres acteurs sur le territoire.
La deuxième chose que j’ai apprise est que les facteurs environnementaux les plus inquiétants à terme sont probablement la consommation de matières (ressources minérales) et la consommation d’eau. Même si le secteur numérique ne représente pas aujourd’hui un tonnage important de ressources minérales comparé à d’autres secteurs, la croissance de ses besoins matériels est en forte augmentation. La diversité des métaux demandés et leur co-dépendance à des grands métaux vont poser de nombreux problèmes écologiques et logistiques.
Pour les chercheurs spécialisés il est évident aujourd’hui que nous sommes en train d’organiser un transfert massif des impacts environnementaux de la phase d’usage (gain d’efficacité à la consommation d’électricité) vers la phase de fabrication (plus intense en ressources et en impacts) qui est généralement invisibilisée. Il est donc nécessaire de mieux comprendre les impacts qui sont en train de gonfler à cause de ce transfert.
Premièrement, l’exploitation minière est extrêmement polluante et a une empreinte écologique lourde sur les écosystèmes, les communautés et les ressources locales. De même les catastrophes environnementales liées à des ruptures de barrage ou des déversements volontaires sont nombreuses. Deuxièmement, il devient de plus en plus possible que des pénuries conjoncturelles surviennent sur certains minerais, affectant les chaînes de production en aval. Cela s’explique par la co-dépendance entre métaux, les délais d’ouverture de mines, la plus faible concentration de minerais dans les gisements, mais aussi par les protestations locales contre les projets miniers. Finalement, le secteur numérique pourvoit un nombre phénoménal d’équipements avec des durées de vie restreintes et des incitations de renouvellement pour le grand public. Le secteur n’est pas engagé dans une économie de ressources et disperse des petits métaux et des métaux rares qui seront perdus à jamais.
Il y a plusieurs points de consommation importante d’eau dans le secteur numérique parmi lesquels : le traitement et raffinage des minerais en mine, la gravure de semi-conducteurs (notamment avec les nouvelles méthodes de lithographie), le refroidissement des centres de données, et, de façon indirecte, la consommation d’eau pour la production d’électricité. Les sites miniers peuvent être très gourmands en eau en fonction des minerais qu’ils extraient et de leur localisation. Les sites d’extraction en Amérique du sud sont bien connus pour les problèmes d’eau qu’ils créent pour les communautés locales, en monopolisant les réserves d’eau et/ou en les polluant. À ce titre, les effets du changement climatique sur les zones d’extraction seront potentiellement violents. Les nouveaux procédés de lithographies (EUV) pour le marché des semi-conducteurs de moins de 10nm pourraient aussi avoir des conséquences sur les réserves en eau des pays producteurs comme Taïwan. Finalement, le refroidissement des centres de données des géants numériques américains par évaporation est de plus en plus problématique dans les zones en stress hydrique qui les accueillent (Utah, Texas, Nevada, Californie). Les problèmes d’eau sont quasiment invisibles au niveau global mais sont particulièrement saillants via l’approche territoriale.
Comment comprendre et estimer les effets négatifs et positifs de la numérisation ?
Pour comprendre les effets positifs comme négatifs il est nécessaire d’avoir accès à des données ouvertes, de bonne qualité et représentatives. Les données ouvertes permettent d’être auditées indépendamment par plusieurs acteurs pour vérifier leur fiabilité. L’accès à des données de bonne qualité dépend de la capacité des chercheurs et experts à obtenir des données de mesure réelles (données primaires). La représentativité des données dépendra de l’échelle à laquelle on souhaite extrapoler les résultats. Aujourd’hui très peu de ces conditions sont réunies et les experts utilisent des modèles globaux pour extrapoler leurs résultats dans l’espace et dans le temps.
Nous commençons doucement à y voir plus clair sur le calcul de l’empreinte environnementale du secteur mais les méthodes d’estimation d’impacts positifs (émissions évitées) sont beaucoup trop faibles méthodologiquement pour être considérées. Premièrement, même s’il est facile de modéliser deux scénarios restreints (visioconférence VS conférence présentielle) il est très compliqué d’intégrer les effets de la numérisation à de plus grandes échelles où il y a beaucoup plus de facteurs à intégrer. Deuxièmement, les estimations visent à intégrer les effets d’activation de la numérisation (enablement effect), c’est-à-dire là où le secteur numérique peut réduire les émissions d’autres secteurs, mais elles n’intègrent pas les effets d’activation qui augmentent les émissions (augmentation de la production de baril de pétrole grâce à la numérisation d’une plate-forme pétrolière). À ce titre, les quelques estimations présentent un solde brut des gains et non pas un solde net (émissions évitées - émissions ajoutées).
Réponse longue
Les premiers effets négatifs du secteur sont son empreinte environnementale, nous avons déjà abordé leurs estimations dans les questions précédentes. Les seconds effets négatifs seraient liés au potentiel du secteur numérique d’augmenter l’empreinte des autres secteurs en augmentant leur volume d’activité plus vite que leur efficacité, ou encore en les rendant plus intenses en matières premières ou en énergie ou en impacts environnementaux (effet rebond). Dans cette logique, le secteur numérique pourrait créer des nouveaux usages eux aussi plus intenses en ressources et en empilant leurs impacts environnementaux à ceux d’ usages non-numériques similaires. Finalement, il y a l’impact que pourrait avoir la numérisation à l’échelle de la société lorsqu’on additionne nouvelles activités et nouveaux usages.
L’exercice est inversé pour les impacts positifs : est-ce que le secteur numérique permet de réduire l’empreinte d’autres secteurs, est-ce qu’il crée de nouveaux usages moins intenses en ressources et avec moins d’impacts, est-ce que la numérisation peut réduire l’impact environnemental des activités humaines au niveau sociétal ? Le modèle d’Horner et al fait la synthèse des classifications des impacts positifs et négatifs de la numérisation pour la consommation d’énergie17, il peut toutefois être étudié pour d’autres critères.
On est capable d’estimer des effets positifs ou négatifs au niveau microscopique : remplacer une conférence à l’étranger par une conférence en ligne. Dès que l’on ajoute de nouvelles dimensions l’exercice gagne proportionnellement en difficulté : est-ce que le télétravail permet de réduire l’empreinte environnementale d’un foyer qui travaille dans le centre de Paris et habite en agglomération ? Quelle est la variation pour une personne habitant et travaillant à Nantes ? Il n’existe pas de modèle général de calcul car l’estimation concrète des impacts demande l’intégration de données comportementales qui limitent rapidement la mise à l’échelle des résultats.
Estimer les impacts positifs du secteur numérique et de la numérisation est un exercice d’une extrême complexité et qui repose sur de nombreuses hypothèses. Deux estimations circulent dans les cercles industriels : 1gCO2e émis par le secteur numérique c’est 10gCO2e évités dans les autres secteurs18 ou encore que la numérisation pourrait permettre de réduire les émissions de GES de 20% d’ici 203019. D’après un travail d’analyse minutieux disponible ici j’en suis arrivé à la conclusion que ces estimations s’appuient sur tellement de défauts méthodologiques qu’elles ne doivent pas être utilisées. C’est aussi l’avis de la communauté scientifique20, tous bords confondus.
Voici les difficultés méthodologiques liées à l’estimation globale des impacts positifs ou négatifs de la numérisation :
- une étude de cas fournie par une entreprise / groupe industriel n’est pas de la recherche empirique et à un niveau faible de confiance ;
- Si une étude de cas montre la réussite d’un déploiement technologique dans un contexte donné, est-ce que cette réussite peut être extrapolée ? Est-ce qu’on applique la même procédure si c’est un échec ? Qui informe de l’échec du déploiement ?
- À quel niveau peut-on extrapoler sans trop faire augmenter l’incertitude ? Ville, pays, zone, continent ?
- Est-ce que la numérisation est le seul facteur qui explique l’efficacité de l’activité ou le changement de comportement, alors comment allouer les gains / pertes entre plusieurs facteurs (qui restent à identifier) ?
- Comment intégrer une analyse environnementale multi-factorielle pour repérer les transferts d’impacts ? Est-ce qu’il y a des données disponibles ?
- Si on comptabilise les études de cas où la numérisation réduit leurs émissions de GES, doit-on aussi compter les études de cas où elle les augmente (augmentation de la production de barils de pétrole par exemple) afin d’obtenir un bilan net ?
- Comment intégrer les changements de comportement possibles via la numérisation ? Comment les extrapoler ?
- Comment vérifier le niveau de confiance des résultats d’une étude sur les impacts positifs de la numérisation ?
Aujourd’hui la documentation et les études produites par les entreprises du secteur ne montre que les effets positifs en extrapolant au niveau mondial des cas d’usage particuliers ; en mettant en avant les effets d’activation qui permettent de réduire les émissions, pas ceux qui les augmentent ; et en proposant des méthodologies de calcul qui seraient inconcevables d’un point de vue scientifique. Si on progresse sur le calcul de l’empreinte environnementale du secteur, il est prudent de dire que nous ne savons pas estimer les effets globaux (positifs comme négatifs) de la numérisation sur les autres activités humaines et les comportements. La seule chose que l’on peut constater c’est que depuis la démocratisation du secteur numérique (2005, arrivée du smartphone) aucune tendance environnementale a été modifiée (émissions de GES, empreinte matérielle, consommation d’énergie, etc.).
Quelle est la consommation électrique des centres de données dans le monde ?
Entre 196 et 400 TWh dans le monde. La variabilité s’explique pour les jeux de données utilisés et les hypothèses sur le développement des hyperscalers dans le monde. Quelque soit la consommation mondiale, l’implantation des centres de données pose de véritables questions d’aménagement et de transition énergétique au niveau local, comme à Dublin, Singapour ou Francfort par exemple.
Réponse longue
Les professionnels du secteur numérique aiment rappeler que les centres de données ne représentent que 1% de la consommation d’électricité mondiale, soit 196 TWh, en citant l’International Energy Agency (IEA)21. Comment est obtenu ce chiffre et est-ce la seule estimation disponible ? Le chiffre de l’IEA est issu d’un article d’Eric Masanet22 sur le magazine web de Science, lui-même basé sur un jeu de données constitué par Shehabi et al. (Masanet inclus) en 2016 à partir du parc américain23. Ce jeu de données américain à la spécificité d’intégrer une quantité croissante de centres de données type hyperscale (jusqu’à 92% du nombre de serveurs en 2020). Les hypothèses du volume moyen de serveurs actifs entre 2000 et 2010 sont réparties entre 45% d’hyperscale (50% pour 2020), 20% de fournisseurs de services (25% pour 2020) et 10% de centres internes (15% pour 2020). Les estimations mondiales sont ensuite extrapolées depuis ces hypothèses par Masanet, et par ricochet par l’IEA.
Cependant, est-ce que les données renseignées sont représentatives des autres zones pour justifier leur extrapolation ? En Europe, les différentes estimations indiquent un nombre moins important d’hyperscalers ou de centres de données en colocation. Du fait d’un parc différent, les estimations de l’institut de référence en Europe, Borderstep, sont plus élevées pour la zone EU28 (76,8 TWh en 2018 contre 40 TWh la même année pour Masanet)24. Au niveau mondial, l’institut Borderstep estime la consommation des centres de données à 400 TWh25. Il est donc plus prudent de dire que la consommation globale d’électricité des centres de données se situe entre 196 et 400 TWh.
Finalement, il est bon de rappeler que la question de la consommation d’électricité des centres de données est avant tout une question territoriale qui va s’exprimer différemment dans les pays ou villes où ces infrastructures s’installent. Par exemple, les centres de données sont à 80% en Europe de l’Ouest et du Nord et représentent 11% de la consommation d’électricité irlandaise. Les enjeux ici sont concrets et nécessitent une réflexion profonde sur l’aménagement et la capacité des réseaux électriques face aux politiques de transition énergétique.
Pourquoi la mesure électrique du réseau ne correspond pas à sa comptabilité environnementale ?
Il y a deux façons de rapporter la consommation électrique des réseaux numériques dans le calcul d’empreinte environnementale. L’approche conventionnelle consiste à prendre des indicateurs globaux comme, par exemple, le transfert de données et la consommation électrique des équipements pour obtenir un ratio kWh/Go. Cette approche permet de faire une comptabilité a posteriori et toute la consommation électrique est allouée de manière égale. L’approche power model consiste à allouer la consommation de base des équipements à chaque utilisateur / abonné puis d’allouer de façon marginale le surplus d’électricité lié au service utilisé. L’approche conventionnelle est adaptée à la comptabilité environnementale des entreprises et à large échelle, l’approche power model est adaptée à la modélisation dynamique de la consommation électrique d’un équipement / service faisant transiter des données. Quelque soit l’approche la consommation électrique des centres de données et des équipements utilisateur est calculée à partir du temps d’usage.
Réponse longue
Il est facile de confondre la mesure physique d’un équipement –comme sa consommation électrique– avec une mesure d’impact environnemental. Par exemple, vous pouvez mesurer la consommation électrique de votre box opérateur, de votre routeur ou de votre ordinateur en fonction des différents services que vous utilisez. Entre le streaming d’une vidéo en 360p et en 1080p la consommation électrique de ces équipements variera peu ou pas proportionnellement au flux de données transférées. À première vue, on peut donc légitimement se demander si le transfert de données peut être utilisé pour le calcul d’empreinte environnementale.
Il est en fait nécessaire de comprendre que l’empreinte environnementale est un mécanisme d’allocation des impacts. Par exemple, l’empreinte carbone est un mécanisme d’allocation des émissions d’une nation à chacun de ses citoyens. Chaque citoyen se verra allouer les émissions de l’industrie nationale, des transports tous confondus ou des services publics même s’il ne les a jamais utilisés. Ainsi l’empreinte carbone d’un citoyen ne correspond en aucun à son mode de vie ou à sa mesure carbone réelle. Son empreinte carbone est juste allouée à chaque citoyen qui vit dans le pays en question.
La plupart des calculs d’empreinte environnementale sont donc des allocations d’impact. Dans le cas du secteur numérique, chaque service mobilise toute une série d’équipements et d’infrastructures. Ainsi un service numérique ne se verra pas toujours allouer un impact à hauteur de ce qu’il a consommé mais se verra aussi allouer une partie des impacts liés à la fabrication et à l’usage de l’infrastructure tout simplement parce qu’elle l’a utilisée. Il existe deux méthodologies principales : l’approche conventionnelle et l’approche power model26. L’approche conventionnelle alloue une consommation électrique par volume de données (kWh/Go), c’est donc une unité de compte, elle doit être utilisée a posteriori quand la consommation d’électricité et le flux de données ont été mesurés. L’approche power model est un modèle dynamique qui sert plutôt à suivre une consommation à court-terme.
Dans le cas du streaming vidéo, voici comment ces deux méthodes sont utilisées. L’approche conventionnelle consiste à allouer une consommation d’énergie par volume de données (kWh/Go). C’est un mécanisme d’allocation top-down comme l’empreinte carbone d’un pays : on prend la consommation électrique totale des parties concernées du secteur et on le ventile sur le flux de données. L’approche power model est une méthode d’allocation marginale qui distribue la consommation électrique de base du réseau à chaque utilisateur puis distribue de façon marginale une petite partie de la consommation électrique du réseau en fonction du flux de données requis27. Dans le cas d’usage du streaming ces deux méthodes sont utilisées pour modéliser la consommation électrique du réseau, des centres de données et une partie des équipements utilisateur. La phase de fabrication et les autres facteurs environnementaux (matière, eau, etc.) ne sont pas intégrés.
Aujourd’hui, l’approche conventionnelle est largement utilisée dans l’industrie comme méthode de comptabilité pour intégrer la consommation électrique de toutes les parties d’un système. Par contre, cette méthode n’est pas adaptée au calcul de consommation en temps réel d’un service. L’approche power model donne une représentation bien plus proche de la consommation électrique d’un service en fonctionnement et de sa variation sur le réseau (changement de qualité vidéo par exemple). Par contre, le modèle est encore jeune et il y a beaucoup de questions en suspens et de données à obtenir pour utiliser ce modèle de façon courante.
Est-ce qu’il faut réduire le trafic mondial pour réduire l’impact environnemental du secteur numérique ?
Qu’elles soient utilisées ou non, les infrastructures numériques (centres de données, réseaux) sont toujours plus ou moins allumées, donc leur consommation ne varie pas beaucoup en fonction du trafic de données. De même, le renouvellement des équipements utilisateur ou la construction de nouveaux centres de données ne sont pas directement reliés au trafic de données. Ainsi, réduire le trafic mondial ne permet pas de réduire directement l’impact environnemental du secteur. Toutefois, si le trafic mondial venait à se stabiliser, on pourrait supposer que cela favoriserait indirectement le ralentissement de la construction de nouvelles infrastructures. Mais le trafic n’est qu’un facteur parmi tant d’autres qui structurent le développement du secteur.
Réponse longue
En reprenant ce qu’il a été dit dans le point précédent on comprend qu’on utilise parfois le transfert de données comme mécanisme d’allocation de l’empreinte environnementale du numérique pour la partie réseaux. Cette méthode d’allocation, à défaut d’être précise et circonstanciée, est simple et permet quelques raccourcis.
Si l’on considère que le transfert de données est un des facteurs principaux expliquant le développement du secteur alors l’hypothèse tient. Par exemple, l’augmentation du transfert de données est souvent mobilisée comme argument pour justifier l’évolution de certaines couches de l’infrastructure numérique. Par exemple, on explique en partie le déploiement de la 5G par la saturation du réseau 4G dans les zones urbaines densément peuplées. Par contre le transfert de données n’explique en aucun cas les tendances de développement du marché des centres de données principalement liées à des investissements financiers et à une plus grande couverture géographique plutôt qu’à une demande mesurée.
D’un point de vue comptable, ne pas corréler le transfert de données avec sa consommation d’électricité n’est pas problématique tant que l’on considère ce transfert comme un facteur d’allocation de l’impact du secteur, et non pas la mesure de phénomènes physiques (transfert des données, usage et fabrication des équipements).
Toutefois, si l’on considère le transfert de données comme facteur d’allocation de l’empreinte alors il paraît logique de vouloir réduire ce transfert. Pourtant il ne faut pas confondre le facteur d’allocation et ce qui est réellement alloué. Il ne faut pas imaginer que réduire le transfert mondial de données aura un impact direct sur la réduction de l’empreinte environnementale (énergie, GES, eau, matières). D’ailleurs si on réduisait le transfert de données cela augmenterait le taux de carbone alloué à chaque Go, relevant paradoxalement l’empreinte carbone relative des données. Par contre, en tant que facteur d’allocation on pourrait estimer que réduire le transfert mondial de données aurait un effet indirect : réduire la vitesse de développement du secteur (usage, fabrication et construction de centres de données / réseaux).
La question est alors de savoir si la stabilisation ou la réduction du flux de données aurait un effet sur le développement du secteur. Les réseaux de télécommunication évoluent tous les 10 à 15 ans pour accommoder un plus grand débit et pour créer de nouveaux usages. La 5G crée en partie des nouveaux usages (IoT, industrie, etc.) qui amèneront de nouveaux vecteurs de transfert de données et des nouvelles opportunités commerciales pour les opérateurs (ils l’espèrent en tout cas). Comme dit précédemment, la construction à marche forcée de nouveaux centres de données partout dans le monde ne s’explique pas par l’augmentation du flux de données. Il y a plutôt des logiques d’investissements financiers et de concentration des activités qui semblent gouverner cette partie du secteur. Les équipements utilisateurs sont soumis à des cycles de renouvellement qui ne sont pas corrélés avec le transfert de données. Le transfert de données ne donne pas à voir aussi le calcul (computing). Pour toutes ces raisons, il semble a priori inexact d’imaginer que la réduction du trafic mondial réduirait l’empreinte environnementale du secteur numérique, même si le transfert de données participe aux arguments commerciaux pour développer une partie du secteur.
À défaut de mieux, le transfert de données peut être pertinent comme mécanisme d’allocation de la consommation électrique des réseaux. Il ne doit cependant pas être confondu comme un mécanisme d’action pour réduire l’empreinte environnementale du secteur numérique. Il en est un facteur global, pas la clé.
Est-ce que supprimer ses emails est important ?
D’un point de vue environnemental, la suppression des emails d’un utilisateur a un impact quasi nul. La suppression d’emails est plutôt un geste d’hygiène numérique ou de bien-être mental.
Réponse longue
L’idée de supprimer les emails pour réduire son empreinte semble venir d’une vieille communication de l’ADEME. À l’époque, la seule analyse de cycle de vie de l’agence disponible dans le secteur numérique était sur les emails. Par la suite, cette campagne de communication de l’ADEME a été reprise par des entreprises comme Orange qui ont popularisé cette pratique.
En l’occurrence supprimer ses e-mails n’a quasiment aucun impact direct mis à part libérer un tout petit peu d’espace sur quelques serveurs et éviter le transfert de données résultant. L’espace de stockage des emails est toutefois limité en fonction des offres, allant de 5 à 20 Go pour le grand public et plus pour les professionnels. De même, 85% des emails envoyés chaque jour seraient des spams28 et ne sont donc pas maîtrisables via un changement de comportement individuel. Finalement, les emails représentent une infime partie du flux mondial de données.
Vous pouvez supprimer vos emails pour votre bien-être mental, votre vie privée ou bien d’autres raisons, mais supprimer ses e-mails pour réduire son empreinte environnementale n’a quasiment aucun effet.
Pourquoi on parle de l’impact carbone du streaming vidéo ?
La discussion a été lancée à la suite du rapport du Shift Project sur la question. De nombreux grands médias ont ensuite relayé les estimations. Le think tank a cependant commis plusieurs erreurs de calcul, remontées par George Kamiya de l’IEA, entraînant une surestimation de l’impact carbone de la vidéo en ligne. Aujourd’hui le livre blanc co-écrit par Carbon Trust et de nombreux chercheurs experts du sujet fait office de référence. Le streaming sur Netflix est estimé à 100gCO2e par heure, le streaming vidéo en Europe est estimé à 56gCO2e par heure. Ces estimations ne prennent en compte que la phase d’usage de l’infrastructure numérique et excluent les impacts de la phase de fabrication. Dans ce périmètre restreint la principale source de consommation électrique est le téléviseur (smart ou pas). Le mix électrique du pays où se situe la consommation fait largement varier les émissions de CO2e, et il y a peu de variabilité dans l’empreinte en fonction de la résolution (cela est notamment lié à la méthode d’allocation).
Réponse longue
La vidéo représente 80% du trafic mondial de données d’après Cisco29. La question de l’empreinte carbone du streaming vidéo a été largement mise en avant par le rapport du Shift Project qui y est dédié. En 2019, le think-tank estimait que la vidéo en ligne représentait 300 MtCO2e par an : 102 Mt pour la VoD (Netflix, etc.), 82 Mt pour la pornographie, 65 Mt pour les ‘Tubes’ et 56 Mt pour les autres types30. Ce chiffre a été repris par la presse généraliste et a ouvert un débat sur la place du streaming dans l’effort de transition.
Cette estimation a été obtenue en multipliant le trafic dédié au streaming vidéo (à 3Mbps) par un ratio de kWh/Go pour la partie réseaux et la partie centres de données, puis par un ratio de kWh/min pour les équipements utilisateurs (ordinateurs, smartphones, télévisions). La consommation d’électricité résultante a ensuite été multipliée par l’intensité carbone moyenne mondiale (0,519gCO2e/kWh). Seulement, le Shift Project a fait plusieurs erreurs dans son estimation. La première vient du choix de la publication de référence pour le calcul de l’empreinte. Le Shift Project se base sur l’étude d’Andrae et Edler de 2015 qui est connue pour surestimer la consommation d’énergie des réseaux et un peu celle des centres de données. De plus, ils ont fait une erreur de conversion entre bit (b) et byte (B) (1 byte = 8 bits ; 1 byte = 1 octet) qui a entraîné une multiplication par 8 de l’impact dans certaines parties de leur calcul. Finalement, le Shift Project aurait sous-estimé la consommation d’électricité des équipements utilisateurs en n’intégrant pas les télévisions.
Ces points ont été mis en avant par une publication de George Kamiya31, un consultant de l’IEA, dans Carbon Brief, un site web anglais de référence sur les questions de transition. Le “fact check” de George Kamiya s’appuie sur les chiffres de Netflix pour en tirer une démonstration globale. Il est clair que les estimations du Shift sont bien trop élevées mais est-ce que l’infrastructure de Netflix est suffisamment représentative pour en tirer un discours général sur le streaming vidéo ? Netflix utilise les services d’Amazon Web Services (AWS) pour le gros de ses opérations et un système de Content Delivery Network (CDN) appelé Open Connect 2 pour avoir les fichiers vidéo au plus proche des zones de consommation. Netflix a développé une infrastructure parmi les plus efficaces au monde pour le streaming vidéo. L’entreprise a forgé des habitudes de consommation spécifiques à la plate-forme, généralisées à d’autres plateformes maintenant. En somme, Netflix représente un cas d’usage très optimiste et n’est pas forcément représentatif de tout le secteur du streaming vidéo. En se basant sur le cas de Netflix, George Kamiya estime donc qu’une heure de streaming représenterait 36gCO2e / heure, contre le chiffre original de 3,6kgCO2e / heure du Shift Project en 2019, et de 394gCO2e / heure dans la version corrigée du think tank en 202032.
Qu’en dit le principal intéressé ? En 2020, Netflix a sollicité des chercheurs de l’université de Bristol, spécialisés sur l’empreinte carbone du streaming vidéo et leur modèle DIMPACT33, pour estimer son empreinte. En se basant sur des données primaires de Netflix, l’équipe a estimé qu’une heure de streaming sur l’infrastructure mondiale de l’entreprise émettait 100gCO2e34, soit 3 fois plus que l’estimation de George Kamiya et 4 fois moins que l’estimation corrigée du Shift Project. Toutes ces estimations ne concernent que la phase d’usage et n’intègrent pas les impacts de la fabrication des équipements.
Finalement, Carbon Trust a publié avec l’aide d’une bonne partie des experts de la consommation électrique du secteur numérique, dont l’équipe de DIMPACT, un livre blanc intitulé “Carbon impact of video streaming”35. Cette publication fait maintenant référence sur la question et estime que l’empreinte carbone d’une heure de streaming en Europe est de 56gCO2e / heure. Ce livre blanc rappelle pluseurs points clés : la principale source de consommation électrique est le téléviseur (smart ou pas), le mix électrique du pays où se situe la consommation est important, et il y a peu de variabilité dans l’empreinte en fonction de la résolution (cela est notamment lié à la méthode d’allocation).
Quelles sont les décisions collectives les plus “pertinentes” ?
Il faut mettre en place toutes les politiques nationales et européennes nécessaires pour allonger la durée de vie des équipements, réduire à terme la consommation d’équipements numériques et stabiliser le développement de l’infrastructure numérique (centres de données, réseaux) afin de profiter des gains d’efficacité.
Réponse longue
Lorsqu’on sait qu’une bonne partie de l’empreinte environnementale du numérique se situe au niveau de la fabrication des équipements et notamment de ceux pour le grand public (smartphones, ordinateurs, écrans, télévisions, etc.) il semble alors logique de réduire la consommation d’équipements numériques.
Au niveau collectif, comment peut-on consommer moins d’équipements et augmenter leur durée de vie ? Premièrement, il faudrait étendre la durée de vie par une extension des garanties constructeurs et imposer la réparabilité des équipements. Il faut aussi réguler les durées de mises à jour des systèmes d’opération (OS) pour amener à garder les appareils plus longtemps sans créer plus de brèches de sécurité. Les métiers de la réparation doivent être favorisés via des programmes de formation spécifiques, l’ouverture des guides de réparation et l’accès aux pièces de rechange sans surcoût.
Une fois que l’on s’est assuré de l’allongement réel de la durée de vie des équipements et de la continuité de la couche logicielle, il nous faudra réduire le flux d’importation en Europe de ce type de matériel autant pour des raisons écologiques que par saturation du marché. Cela peut être fait par une taxe carbone ciblée sur les équipements numériques grand public neuf.
Durant ce siècle il est de plus en plus possible que l’Europe connaissent des pénuries conjoncturelles sur certains minerais. Alors rallonger la durée de vie de nos équipements numériques, moins en consommer, renforcer nos capacités de maintenance et de circularité sont une des clés pour réduire l’empreinte environnementale du secteur numérique et s’intégrer dans une stratégie numérique à long-terme de l’Union Européenne.
Quels sont les comportements individuels les plus “efficaces” ?
Au niveau individuel les actions les plus importantes sont tout simplement de garder son équipement le plus longtemps possible, ne pas acheter en neuf si possible et éviter le suréquipement par personne ou par foyer. Dans un monde idéal nous devrions viser des équipements grand public (smartphones, etc.) avec une durée de vie fonctionnelle de 10 ans.
Réponse longue
Rallonger la durée de vie fonctionnelle des équipements est prioritaire pour les usagers du monde numérique afin d’amortir au maximum les ressources et les pollutions engagées dans la fabrication. Il faut aussi favoriser l’achat en reconditionné ou en occasion pour réduire l’usage de matières vierges ou de produits neufs. Finalement, la mise sur le marché de nombreux objets connectés grand public constitue un appel des sirènes auquel il faudra résister pour éviter le suréquipement numérique (en plus d’éviter les problèmes de sécurité, connectivité, etc.).
Garder un smartphone le plus longtemps possible dépendra du type de téléphone déjà possédé, de la continuité de sa mise à jour, de la puissance et mémoire demandées par les applications demandées et de l’obligation d’utiliser certaines applications (comme pour l’authentification à double facteur via app). Cela dépendra aussi de l’accès à un réseau de réparateurs ou de sa capacité à réparer soi-même son équipement et donc de l’accès aux guides / tutoriels si réparables et aux pièces de rechange. La réparabilité des équipements numériques est quelque chose pour lequel il faut se battre quand c’est aller à contre-courant des modèles d’affaires des constructeurs et de la chaîne d’acteurs auxquels ils sont liés (opérateurs, etc.). De même, vous pouvez faire le choix de ne pas posséder un téléphone et de le louer via des coopératives comme Commown.
La question du suréquipement va être cruciale dans les années à venir avec le développement commercial des objets connectés. Des milliers de nouveaux produits répondant à des besoins artificiels ou à des envies apparaissent chaque jour. Les objets connectés grand public ont généralement des durées de vie faibles liées à leur conception court-termiste, à la faible durée de maintenance logicielle, ou encore à la possible superficialité du besoin.
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“ISO 14040:2006 – Environmental management — Life cycle assessment — Principles and framework,” ISO, 2006 ; “ISO 14044:2006 – Environmental management — Life cycle assessment — Requirements and guidelines,” ISO, 2006↩
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Shahana Althaf et Callie W.Babbitt, “Disruption risks to material supply chains in the electronics sector”, Resources, Conservation and Recycling 167, 2021.↩
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Arnim Scheidel, “Environmental conflicts and defenders: A global overview”, Global Environmental Change 63, 2020.↩
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Christophe Lécuyer, “From Clean Rooms to Dirty Water: Labor, Semiconductor Firms, and the Struggle over Pollution and Workplace Hazards in Silicon Valley”, Information & Culture: A Journal of History 52, n° 3, 2017, pp. 304-333.↩
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Hua-Mei Chiu, “The Dark Side of Silicon Island: High-Tech Pollution and the Environmental Movement in Taiwan”, Capitalism Nature Socialism 22, n° 1, 2011, pp. 40-57.↩
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Carbon Trust, “Carbon Impact of Video Streaming”, Carbon Trust, 2021.↩
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